«Par le feu» de Marie-Ève Bourassa – Bible urbaine

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«Par le feu» de Marie-Ève Bourassa

«Par le feu» de Marie-Ève Bourassa

Creuser sa propre tombe

Publié le 8 avril 2013 par Éric Dumais

Crédit photo : VLB Éditeur

Espèce de croisement entre l’univers huis clos de Sunset Park de Paul Auster et la délinquance adolescente des enfants-rois de Charlotte Before Christ d’Alexandre Soublière, Par le feu (VLB Éditeur), le premier roman de Marie-Ève Bourassa, nous fait entrer dans la vie pathétique de Dimitri, Alex et Christian, trois chums bien différents qui ont cependant tous ce point en commun: ils sont à la croisée des chemins et à un point de non-retour, à la fois.

Le roman alterne les points de vue des différents personnages pour nous faire entrer brusquement dans l’univers pathétique de trois loques humaines qui collectionnent plus les gaffes que les triomphes.

Dimitri reçoit, un beau jour, un appel d’un certain Schreiber, qui lui apprend qu’il est l’heureux héritier de la maison familiale, laquelle lui revient de droit suite au décès de son père, ex-habitant de Saint-François-Xavier-de-Courtval. C’est sans grand intérêt qu’il quitte Montréal avec ses potes, laissant sa flamme Hélène s’éteindre seule dans ce quotidien ennuyeux, pour aller vivre dans ce bled duquel il n’a plus grands souvenirs.

Arrivés à Courtval, la forêt leur rappelle celle d’Hansel & Gretel, et les habitants ont tous cet air bête propre aux villageois. Accueillis par le Schreiber en question, Dimitri, Alex et Christian vont rapidement s’improviser croque-morts pour subvenir à leurs besoins, et ainsi enterrer eux-mêmes le corps du défunt père du protagoniste, et les cadavres d’une population vieillissante qui s’empilent jour après jour.

Rapidement, l’échec amoureux de Dimitri le rattrape, les problèmes de drogues et d’alcool d’Alex, son frère, leur cause une tonne de soucis, alors que le mutisme de Christian l’homosexuel, le plus chill de la gang, rend furax les deux autres, surnommés aussi Frank et Fred en souvenir d’un vieux classique. Hélène débarquera sur place, fatiguée de poireauter comme une belle nouille à Montréal, laissée sans nouvelle de son chum qui n’a pas daigné l’appeler depuis son départ.

À son arrivée, Dimitri, Alex et Christian ont tous un drôle d’air, comme si leur nouvelle condition leur avait monté à la tête, comme si, de loques humaines de la métropole à croque-morts dans un trou perdu, ils étaient devenus eux-mêmes des cadavres sur pattes. Et puis, il y a la plantureuse Lorraine dans ce décor mortel, cette barmaid dévergondée qu’Alex se plait à baiser sans vergogne, puis Jojo, son frère bègue, qui n’aime pas du tout ces gars de la ville et qui tentera de trouver le moment opportun pour réclamer son dû.

Bref, dans ce bled situé à des milles de la métropole, rien ne va plus pour personne, et la vie de ces éternels adolescents ne semble pas changer pour le mieux. Habitant tous sous le même toit, ils se retrouveront bien rapidement confrontés au vide de leur existence crade, obsédés par une soif d’identité inatteignable et par leurs vicieuses pulsions qui les mèneront à vivre à fond de train sans même réfléchir aux conséquences de leurs actes.

Roman psychologique avec une légère pointe de thriller, Par le feu est un roman duquel il est dur de s’accrocher puisque les points de vue narratifs changent constamment, passant de l’un à l’autre, puis de celle-ci à celle-ci, sans toutefois éveiller un réel intérêt de notre part.

Même si l’histoire nous tient néanmoins en haleine à certains moments, car à travers les nombreux moments de réflexion, de doute et de déchéance humaine, de nombreuses péripéties, surtout orchestrées par les gaffes d’Alex, donnent une colonne à ce récit parfois vide de sens, qui nous engloutirait dans l’ennui s’il n’y avait pas un peu d’action.

On retient de ce premier roman, écrit dans un style urbain très accessible, une certaine lourdeur, dû à une histoire certes pas toujours enlevante mais, s’il y a bien une qualité à attribuer à ce récit, c’est la justesse des portraits des personnages, lesquels, s’ils prenaient vie au théâtre, donnerait une tout autre perspective à Par le feu.

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