LittératureBeaux livres
Crédit photo : Éditions de La Martinière
Un génie et un paria. Un adulé et un détesté. Séduisant pour les uns, repoussant pour les autres. Le célèbre Oscar Wilde est tout cela à la fois, ce qui s’avère assez déstabilisant. D’emblée, il faut dire que cet homme est un personnage plus que fascinant, même pour notre époque qui se targue ad nauseam de repousser les limites de tout, dans toutes les sphères, mais qui n’a aucunement l’élégance et l’effronterie magnifique de cet Irlandais d’origine.
Dans cette biographie signée par Daniel Salvatore Schiffer, celui-ci ne fait pas que peindre et dépeindre un génie littéraire, puisqu’il ouvre, à travers l’ouvrage, la porte à tout un environnement social, politique, culturel et moral de la deuxième moitié du XIXe siècle. Présentée à travers la perspective formelle et esthétique des «Beaux livres», Oscar Wilde. Splendeur et misère d’un dandy décrit le parcours d’un homme qui bousculait son époque. Un peu trop même aux yeux de certains…
Chronologiquement, l’auteur du livre nous convie à pénétrer dans l’univers éclaté d’un talent né choyé, dans l’élite, celui d’une famille bourgeoise aux racines irlandaises qui n’a rien d’ordinaire. Un père médecin très bien en place et une mère qui avait «une absurde propension à la mégalomanie», voilà, en gros, les géniteurs de ce Wilde. Les éléments qui caractérisent la vie ascendante et descendante de l’écrivain sont multiples et captivants: ses études à Trinity College et Oxford où il a été formé intellectuellement, ses nombreux voyages, l’adoption de la posture sociale et stylistique du dandy, sa création littéraire, mais aussi sa famille, ses relations non conformes pour l’époque avec le jeune Bosie ainsi que son déclin habitent l’histoire de l’auteur de la pièce Un mari idéal.
Le lecteur réalise rapidement au fil des pages que M. Wilde est tout sauf un être commun. Il semblait donc être destiné à vivre une vie à l’image d’une pièce de théâtre, c’est-à-dire tragique, fardée, exagérée, et donc très intense autant dans la célébration que dans la chute. Son œuvre, comme le souligne l’auteur, est fortement imprégnée, on le saisit vite, par ses questionnements, tourments ainsi que sa réalité quotidienne. Comme la plupart des écrivains et artistes vous direz, oui, mais Schiffer réussit à illustrer les liens entre l’odyssée intérieure et extérieure de l’homme de lettres et ses écrits de toutes sortes. Du Portrait de Dorian Gray à son De Profundis en passant par L’Importance d’être Constant. Dans le même ordre d’idées, on apprécie les explications données sur plusieurs sujets souvent méconnus tels que le préraphaélisme – esthétique mariant désir charnel et pulsionnel avec le spirituel – ainsi que le dandysme.
En ce qui concerne la forme retenue pour ce livre, les choix de mise en page varient, mais gardent une certaine uniformité tout au long; une véritable cohérence visuelle en fait. L’utilisation récurrente notamment du rose foncé et pâle ainsi que du noir et blanc habille parfaitement l’ouvrage et se déguste par le regard. Riche en illustrations d’Oscar Wilde (photographies et dessins entre autres), d’œuvres picturales contextualisées, de lieux rattachés à l’environnement de l’auteur né à Dublin, on ne peut qu’approuver l’intention de concevoir un livre attirant. De plus, de nombreux extraits des créations du dandy s’intègrent dans les paragraphes rédigés par Daniel Salvatore Schiffer. Il faut relever en outre que plusieurs mises en exergue issues de la littérature de Wilde sont présentées de différentes tailles, confirmant ainsi le travail éditorial du design de la maison d’édition.
Au final, l’idée intéressante et fort concluante de réaliser une biographie sous forme illustrée d’Oscar Wilde, ce lettré, qui, on l’apprend, a été davantage reconnu de son vivant par la France que par le monde anglo-saxon très rigide moralement sous l’ère victorienne, donne envie de sillonner l’entièreté de son œuvre. À travers une écriture accessible, sans être dénuée d’élégance et qui témoigne d’une grande recherche, les grandes lignes de la vie de ce bourgeois mort dans un état plus que lamentable, illustrent à quel point les extrêmes étaient liés à lui. Splendeur et misère d’un dandy, le sous-titre dit effectivement tout.
«Oscar Wilde – Splendeur et misère d’un dandy», Daniel Salvatore Schiffer, Éditions de La Martinière, 2014, 216 pages, 59,95 $.
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