«Motel Lorraine» de Brigitte Pilote – Bible urbaine

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«Motel Lorraine» de Brigitte Pilote

«Motel Lorraine» de Brigitte Pilote

Martin Luther King, figure d’ambition et de renouveau

Publié le 18 mai 2013 par Éric Dumais

Crédit photo : Stanké

À l’instar du maître de l’horreur Stephen King, qui a récemment revisité, avec son plus récent 22/11/63, les dessous de l’assassinat de John F. Kennedy à Dallas, l’auteure Brigitte Pilote, avec Motel Lorraine (Stanké), s’inspire de la mort tragique de Martin Luther King pour donner vie à un récit par moments lourd où l’ambition de deux jeunes Montréalaises contraste avec l’image d’une Amérique ravagée par la ségrégation raciale à l’aube des années 60.

Campée dans un cadre réaliste, l’histoire de Brigitte Pilote s’inspire en fait des derniers jours de Martin Luther King, assassiné sur la rambarde du motel Lorraine, à Memphis, décédé après avoir reçu un projectile en plein visage. Brigitte Pilote a délibérément placé ses protagonistes dans la chambre 306 du Motel Lorraine, nom inspiré de la pièce «Sweet Lorraine» de Nat King Cole, lieu où B.B. King, Ray Charles, Aretha Franklin, Howlin’ Wolf et Martin Luther King ont engagé des «discussions qui ont changé le cours de l’histoire.»

C’est également dans ce lieu culte que vont loger, plusieurs années plus tard, Louisianne et Georgia, deux adolescentes montréalaises qui, sous les ordres de leur mère diabétique Sonia, ont quitté la métropole pour s’enfuir vers Memphis, la «patrie du King, le généreux soleil, la soul food». Malgré les beaux jours, on sent que «Memphis est restée longtemps couchée sur le flanc à lécher ses plaies», voire stigmatisée par la ségrégation raciale qui a tant tardé à venir, libérant enfin, au tournant des année 60 aux États-Unis, les Noirs d’une situation plus qu’étouffante.

Alors qu’une des deux sœurs désire conquérir les cœurs par son chant et l’autre les yeux par ses portraits, on sent, dans ce désir normal d’échapper à un quotidien morne, une ambition qui rejoint celle, démesurée, de Martin Luther King, lequel a voulu condamner la ségrégation, «ce fléau qui gangrénait le Sud», pour que les Noirs obtiennent un jour l’égalité des droits tant désirée. Lou et Georgia réussiront-elles, pour leur part, à s’arracher des griffes de leur mère, qui a commis l’irréparable en ce 4 avril 1968, en kidnappant l’une de ses filles dans une épicerie, alors que la mère biologique était à quelques pas du landau?

À travers cette histoire tragique, marquée au fer par un évènement historique majeur et un crime jusqu’ici impuni, on reconnaît toute l’ambition et l’éclair de génie dont Brigitte Pilote a fait preuve lors de l’écriture de son roman, lequel fait suite à Mémoires d’une enfant manquée (Stanké), paru en 2012. On aurait cependant apprécié que le focus repose exclusivement sur l’assassinat de Martin Luther King et la vie actuelle de Sonia, Louisianne et Georgia, plutôt que l’idée d’avoir entrecoupé l’histoire avec l’épisode du Carnaval du coton et les Grace Depriest, Alabama Ebony, Herbert Golden, sans oublier le pasteur Whitehead, tant de personnages superflus auxquels on arrive pas à s’attacher.

Notre lecture du Motel Lorraine s’avère ainsi hasardeuse, puisqu’on ne comprend pas l’intérêt d’avoir placé tant de personnages dans un récit aussi minuscule où s’entremêlent autant de tragédies. Cela dit, on admire l’ambition démesurée du sujet, la plume informée et tragique de l’auteure, mais on regrette quelque peu l’absence de plaisir.

«Motel Lorraine», par Brigitte Pilote, Éditions Stanké, 237 pages, 24,95 $.

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