«Montée aux enfers» de Percival Everett

Avec un doigté d’expert, Percival Everett ne s’éparpille guère dans cette nouvelle œuvre de fiction, dite aussi polar suspect. Polar, car tous les éléments du genre y sont réunis, des personnages louches au passé crasseux aux péripéties meurtrières dans des contrées peu recommandables, suspect, car tous les personnages sont mystérieusement hypocrites aux yeux de l’adjoint du shérif Ogden Walker, un Noir qui n’a pas froid aux yeux.

Deux coups de feu ont été tirés à travers la porte de la maison de madame Bickers, qui est sûre qu’un intrus lui voulait du mal au moment où il a martelé contre sa porte à tout rompre la veille au soir. Ogden se rend donc sur les lieux du crime, mais la confession de la vieille lui laisse un goût amer dans la bouche. Ayant l’impression désagréable d’avoir été floué par une septuagénaire hypocrite, Walker retourne dans la maison mais il est malheureusement trop tard: celle-ci a été étranglée et violentée, tout comme son chat, d’ailleurs. L’intrus devait se cacher dans l’une des pièces de la maison et sans doute Ogden, trop perturbé par les racontars de la vieille dame, s’est laissé berner par ses sentiments contradictoires.

Rapidement, l’adjoint du shérif se retrouve mêlé dans une histoire de drogue et de prostitution dont l’enquête policière le mènera dans des coins peu recommandables du Nouveau-Mexique, du Colorado et du Texas. Les macchabées, des prostituées pour la plupart, s’accumulent au grand dam d’Ogden qui, de fil en aiguille, apprend qu’un mac, surnommé La Main, serait l’élément déclencheur de toute cette tuerie infernale. Mais, pour mettre la main sur ce tueur sanguinaire, Ogden va devoir s’entourer de ses partenaires Bucky Paz et Warren Fragua, deux inspecteurs de la police du Nouveau-Mexique, car les indices ne sortent pas facilement de la bouche des témoins, qui ont tous l’air aussi louches que la vieille haïssable.

Oscillant entre les péripéties extravagantes de la télésérie populaire Breaking Bad et l’humour noir des frères Coen dans l’original Fargo, Montée aux enfers de Percival Everett est ce genre de récit qu’on surnomme page turner, c’est-à-dire que l’auteur ne nous laisse aucune chance de nous reposer de son récit qui nous tient autant en haleine qu’une course à pied. Multipliant les péripéties au rythme d’ellipses rendant l’intrigue doublement efficace, Everett joue constamment avec les nerfs du lecteur, lequel est incapable de reprendre son souffle pour faire le point. Au final, on termine le livre sans se rendre compte que, sur ce coup-là, Ogden Walker a été plus vite sur la gâchette que nous.

Montée aux enfers
Actes Sud / Actes Noirs
264 pages, 36,95 $