«Un monde flamboyant» de Siri Hustvedt – Bible urbaine

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«Un monde flamboyant» de Siri Hustvedt

«Un monde flamboyant» de Siri Hustvedt

Neurones sensibles s'abstenir

Publié le 11 novembre 2014 par Charlotte Mercille

Crédit photo : Actes Sud/Leméac

La publication d’une biographie sème la controverse dans la communauté artistique de New York: Harriet Burden, artiste mal-aimée, femme d’un riche marchand d’art, mère de deux enfants et mécène des laissés-pour-compte. Lasse de vivre dans l’ombre de ses collègues masculins, Burden devient, vers la fin de sa carrière, une architecte de masques. Trois hommes s’approprieront ses œuvres pour mieux tromper la perception des anciens critiques de Burden. Hustvedt replonge ici dans le monde de l’art contemporain new-yorkais, au risque de noyer certains lecteurs dans la densité de son propos.

Le roman adopte une forme originale à laquelle il faut se laisser le temps de s’habituer. Les chapitres alternent entre des passages du journal intime d’Harriet, des témoignages de ses proches et des articles de journaux sur ses expositions. Les différents points de vue sur l’histoire d’Harriet illustrent le talent de la plume de Hustvedt à se fondre dans autant de personnages d’une si grande complexité. Si bien qu’à certains moments, on se croirait pratiquement devant une biographie au lieu d’une fiction. Certains personnages sont tout de même plus agréables à lire que d’autres; l’amie d’enfance de Burden est d’une éloquence émouvante, tandis que l’on peine à lire au complet le flot de conscience rageur du journal intime. 

Très vite, l’énorme travail de recherche de Husvedt derrière un roman d’une telle profondeur d’esprit est indéniable. L’expérience de camoufler une femme derrière l’œuvre d’un homme évoque plusieurs thèmes intéressants comme l’égalité des sexes dans le milieu de l’art, les limites de la perception humaine et la pluralité de l’identité sociale. Les pages se tournent pourtant bien lentement dans la quête vaine de trouver un fil conducteur parmi tant de connotations philosophiques, psychanalytiques et scientifiques, de longueurs superflues et de prétention intellectuelle. Poststructuralisme européen, confabulation, pathosformalité, tous des concepts qui finissent inévitablement par achever le plus instruit des lecteurs. Question de donner un coup de grâce aux optimistes, la complexité du roman ne devient que plus écrasante, plus l’intrigue avance. 

Bref, Un monde flamboyant est un roman qui se digère plutôt mal, comme un plat qui semble appétissant au départ, mais qui s’avère trop salé, trop gras au point d’avoir de la difficulté à vider l’assiette. Si la lecture du roman n’est pas à éviter à tout prix, elle nécessite une concentration ainsi qu’un bagage de connaissances infaillible. Les lecteurs à la recherche d’un roman léger sont avertis.

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