«Mon amoureux est une maison d’automne» de Mara Tremblay: faire la paix avec la mort – Bible urbaine

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«Mon amoureux est une maison d’automne» de Mara Tremblay: faire la paix avec la mort

«Mon amoureux est une maison d’automne» de Mara Tremblay: faire la paix avec la mort

Publié le 17 octobre 2011 par Éric Dumais

Née à Hauterive en 1969, Mara Tremblay a grandi avec le son du fleuve et les douces mélodies jouées à la guitare et au violon par son père. À 5 ans, la jeune Mara déménage à Montréal, où elle apprend à jouer du violon à l’école Le Plateau. Une trentaine d’années plus tard, bientôt cinq albums en poche, Mara Tremblay est maintenant de retour avec un premier roman, Mon amoureux est une maison d’automne, un récit sombre aux accents poétiques, dont le thème principal est le deuil de sa mère, laquelle est décédée d’un cancer il y a trois ans.

«J’ai dû entrer dans les plus intimes parties de ses recoins quand, une fois qu’elle fut décédée, il m’a fallu trier, choisir, vider, fouiller, donner, pleurer et surtout aimer, aimer ses façons de ranger, ses fouillis, ses mots secrets et ses vêtements vus et animés sur son corps pendant les trente-neuf années de ma vie à ses côtés. Ma mère ne jetait RIEN. Après plusieurs semaines de cette activité, je me suis retrouvée dans une maison remplie de ses choses, de ses odeurs, de ses dessins et de son amour. Ma mort m’est alors apparue soudainement plus possible que jamais et j’ai décidé que lorsque mes enfants et mes amis auront à fouiller dans mes choses, ce sera impeccable.»

Un récit sombre comme l’automne

Florence Paradis est une peintre-illustratrice de 41 ans. Son travail, à l’occasion, l’amène à voyager de par le monde, notamment à Paris, Londres ou Barcelone. Mais la jeune femme est rendue à un point de sa vie où elle doit se retrouver, plonger au fond d’elle-même et combattre ses démons intérieurs. Car Florence est sur la corde raide; sa mère est décédée depuis trois ans et elle est incapable d’en faire le deuil. Dans chaque recoin de sa maison, elle retrouve un fragment, un souvenir, une odeur de sa mère. Si elle veut devenir une bonne mère pour ses deux beaux garçons, Émilien et Napoléon, Florence va devoir outrepasser le deuil de sa mère, ainsi que sa maladie, et trouver enfin un sens à sa vie. Au fil de son écriture, laquelle est imbibée de larmes et de poésie, Florence va creuser frénétiquement au fond de son être afin de démystifier le chaos qui y règne. Que représente en fait l’amour? Qu’est-ce que le vrai bonheur? Est-il possible d’aimer et d’être aimé en retour?

La perte d’un être cher

Plusieurs personnes se disent prêtes à affronter la mort lorsqu’elle frappera à leur porte, mais qui l’est réellement? Sommes-nous déjà immunisés par la douleur de perdre notre mère, notre père, notre meilleur ami? La mort, on peut certes l’accepter, s’y préparer, mais il est impossible de prévoir notre réaction. Pour l’auteure-compositrice-interprète Mara Tremblay, le décès de sa mère Ginette Martel a provoqué l’effet d’un coup de masse contre la tempe.

L’écriture, cet exutoire

«J’ai écrit ce livre dans l’espoir de débloquer une artère – enfin, façon de parler – et d’arriver à faire le deuil de ma mère qui est morte d’un cancer il y a trois ans. J’ai réussi à terminer le livre, mais malheureusement pas à faire mon deuil, c’est-à-dire à comprendre et à accepter que ma mère ne revienne plus. J’ose espérer qu’un jour, je vais y arriver», a-t-elle confié au quotidien La Presse en septembre dernier.

Mara Tremblay a trouvé dans l’écriture une source infinie de richesses. Elle a réussi à trouver un sens à son existence, à mieux comprendre et accepter sa maladie, la bipolarité, et à comprendre un peu mieux ses émotions à l’égard des autres hommes, de ses amis, de ses amants, de ses amoureux : Simon, Philippe, tant d’hommes qui ont traversé sa vie, qui l’ont aimé, qui l’ont cajolé, mais avec lesquelles l’incertitude et le déséquilibre mental rendaient toutes relations compliquées, voire impossibles. Possède-t-elle les capacités pour aimer et être aimée en retour? En réalité, Florence Paradis, 41 ans, est en réalité Mara Tremblay se cachant derrière un sobriquet pour fuir en quelque sorte la réalité, sa propre réalité. Si l’auteure a écrit un premier roman très personnel, il n’en reste pas moins qu’elle a opté pour l’effacement spontané, afin de mieux comprendre, par le biais de la fiction, qui elle est réellement et pourquoi elle se comporte ainsi.

La poésie

Mon amoureux est une maison d’automne présente une forme peu conventionnelle. En effet, c’est une poésie très spontanée, presque naturelle, qui parsème ça et là les courts chapitres du récit, ce qui rappelle, à certains égards, le très beau roman L’énigme du retour de Dany Laferrière. L’histoire est racontée à la première personne du singulier, majoritairement grâce à une narration très personnelle, intimiste, comme si le protagoniste pensait à voix haute. À d’autres moments, Florence nous décrit ses impressions et ses sentiments, par bribes, par images, le tout en peu de mots :

«Enfin un peu de soleil. Je revivais.
C’est comme si on oubliait.
Le soleil est une nourriture.
Je ne pourrais pas vivre sans lui.»

En somme, Mon amoureux est une maison d’automne est davantage un roman qui plaira aux littérateurs, aux poètes, aux grands lecteurs, mais aussi aux gens sensibles aimant être touchés par la poésie et les exercices de style. Mara Tremblay, en tant qu’auteure-compositrice-interprète, a déjà réussi à nous charmer avec ses textes intimes, mais elle prouve assurément, avec ce premier roman fort touchant, à quel point sa plume peut être vraie, sensible et libératrice.

Appréciation générale: ****

Crédit photo: Les 400 Coups

Écrit par: Éric Dumais

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