«Mille petites falaises» de Shaughnessy Bishop-Stall: un trainspotting made in Canada – Bible urbaine

Littérature

«Mille petites falaises» de Shaughnessy Bishop-Stall: un trainspotting made in Canada

«Mille petites falaises» de Shaughnessy Bishop-Stall: un trainspotting made in Canada

Publié le 15 août 2012 par Éric Dumais

Shaughnessy Bishop-Stall présente, avec ce premier roman intitulé Mille petites falaises, l’univers fantasmagorique d’un écrivain raté qui perd la majeure partie de son temps et de son argent à se droguer et à jouer au poker. Dans cette histoire à la fois cocasse et tragique, l’auteur canadien n’y parle pas seulement de vices humains, mais aussi d’écriture, de thérapie et de… suicide.

Mason Dubisee est un jeune écrivain vancouvérois sans réelles ambitions davantage impulsif que productif. D’abord, il n’a pas assez d’argent pour payer son loyer et sa drogue, d’où l’importance pour lui de pouvoir compter sur son fidèle ami Chaz, et lorsqu’il gagne une somme respectable avec laquelle il pourrait se remettre un tant soit peu sur le droit chemin, il préfère acheter de la coke ou de l’héroïne et se rouler une cigarette aussi explosive qu’un cocktail Molotov. Gelé comme une balle et loin des soucis, Mason en profite pour s’asseoir derrière son ordinateur et écrire des bribes d’idées et de réflexions saugrenues, en attendant le moment où il sera assez en forme pour écrire un roman.

Les dettes s’accumulant comme les feuilles à l’automne, Mason se voit néanmoins contraint de suivre les conseils de Chaz et de travailler comme marchand de hot-dogs pour un pauvre type appelé Fishy Berlin. Dans cette roulotte en forme de chapeau géant, Mason apprend rapidement l’art de faire rôtir les saucisses et d’entretenir des conversations loufoques avec des clients pour le moins singulier. Un jour, un certain Warren se présente à son kiosque, et, plus les jours passent, et plus leurs conversations bifurquent vers l’amour et l’écriture. Warren est même prêt à offrir 5000 $ à son nouvel ami en échange d’une lettre d’amour écrite dans les règles de l’art. Mais, ce que Mason ignorait, c’est que Warren avait l’intention ferme de se suicider et d’offrir ladite lettre à ses proches en guise d’adieux…

Roman de la dépravation humaine, alliant les thèmes de la drogue, de la dépression et de la descente aux enfers, sujets d’emblée explorés dans la littérature américaine par Hubert Selby Jr. (Requiem for a Dream) et Irvine Welsh (Trainspotting), mais aussi par l’Allemand Charles Bukowski (Journal d’un vieux dégueulasse), Mille petites falaises est une œuvre glauque qui offre toutefois un regard lucide sur la dépression et la misère humaines, tout en étant implicitement un guide vers la réussite personnelle contre nos démons intérieurs.

Car Mason, après avoir «digéré» le suicide de son ami Warren, décide de se faire nègre auprès d’autres désespérés tels que Sissy, dite Circé, que les enfants à l’école surnommaient La Rotonde en raison de son embonpoint, ou encore Soon, un homme mystérieux et entêté qui a mis fin à ses jour en se balançant du haut du Jackson Bridge.

Confronté au désespoir des autres, le protagoniste Mason Dubisee, qui jusqu’alors se donnait la mort à petit feu en se droguant, tentera à travers cette folle expérience de trouver un sens à sa propre vie, en partie grâce au malheur des autres. Et, même s’il est en quelque sorte responsable de la mort de tous ces gens, n’ont-ils pas tous collaboré, de façon indirecte, à la réussite de son cheminement intérieur? Mille petites falaises est roman dont la lecture peut parfois s’avérer pénible, mais qui vous fera néanmoins sourire et réfléchir aux bons moments.

Appréciation: ***1/2

Crédit photo: Actes Sud

Écrit par: Éric Dumais

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