LittératureRomans québécois
Crédit photo : Leméac Éditeur
Originaire de Québec, Thomas O. St-Pierre habite présentement à Montréal et enseigne au collège Montmorency. Cette migration vers la métropole, son personnage principal l’a aussi connue, puisque Marcel a emménagé de Rimouski à Montréal à la fin de l’adolescence dans l’espoir diffus d’y devenir «quelqu’un». Âgé de 26 ans, le personnage de Marcel «flippe des hamburgers» dans un petit resto, sort boire des verres avec des amis, a des opinions et cultive de grandes illusions quant à son avenir, mais demeure pourtant englué dans son impossibilité à agir. Il entend entrer à l’université à l’automne, en Économie, mais la raison de cette inscription se veut floue et inexplicable à son entourage. Ce retour aux études, serait-ce seulement pour provoquer les choses?
Si le personnage principal dans La tête de l’emploi de David Foenkinos traverse une crise existentielle après avoir tout perdu, Marcel, quant à lui, vit la situation inverse: sa crise vient du fait qu’il n’a précisément rien à perdre, et qu’il est confronté à un infinité de possibilités. En gros, le principal problème de Marcel, c’est lui-même: «Je me souviens qu’on m’a déjà expliqué que le vrai vertige ne vient pas de la peur de tomber, mais bien de la peur de sauter.» Sa quête est calquée sur l’impression qu’il se fait de la réussite, entre autres celle de l’ancien voisin de la maison familiale, M. Janvier, qui est devenu «quelqu’un» lorsqu’il a tout quitté pour aller s’installer sur la côte-est américaine. Or, l’auto-conscience de Marcel en ses capacités et le décalage entre ses illusions et ses moyens témoignent d’une complexité toute contemporaine.
Ces amours sont également une source d’anxiété latente, même si ils ne sont qu’une des raisons de sa difficulté à se compromettre. Il entretient une relation sans attache avec Laurence, une musicienne qu’il croise plus qu’il n’apprend à réellement connaître, et de qui il admire l’indépendance et la désinvolte. Il y a aussi Sophie, son amie avec qui «il a déjà failli se passer quelque chose», qui semble opposée à lui en regard de ses choix de vie, mais qui finit toujours par être celle qui le comprend le mieux. Ces autres relations -amis, famille- sont en outre le théâtre de sa maladresse sociale, qui vient de son besoin de contrôler son environnement pour ne pas laisser transparaître ses failles.
Le récit, à l’image de l’indécision de Marcel, est composé d’une trame un peu indolente, mais qui nous tient de par la seule promesse d’un débouché. Même s’il ne s’agit pas d’un «page-turner», Thomas O. St-Pierre arrive à donner un je-ne-sais-quoi à son récit, notamment grâce au ton «ironico-blasé» de son personnage. L’écriture est simple -sans être trop commune- et mise sur un humour qui fait sourire davantage que rire ou réfléchir.
On pourrait résumer le résultat final à un collage d’états -à l’image des courtes lettres que l’on croise ici et là, et qui sont en grande majorité signées par des émotions- qui, malgré l’élément liant de la quête de soi, n’est pas suffisant pour constituer à lui-seul une intrigue qui tienne attentif le lecteur bien longtemps. Pas de grand coup au coeur pour Même ceux qui s’appellent Marcel donc, qu’une voix en écho de l’éternel «être ou ne pas être?».
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de la rédaction