«L'Historien de rien» de Daniel Poliquin – Bible urbaine

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«L’Historien de rien» de Daniel Poliquin

«L’Historien de rien» de Daniel Poliquin

Une vie de petit rien

Publié le 20 mars 2013 par Sophie Boileau

Crédit photo : Les Éditions du Boréal

Il y a les grandes épopées, les histoires irréelles qui font rêver et qui vous surprennent, les héros extraordinaires et, de l'autre côté, le simple quotidien, les petits malheurs qui nous apparaissent comme d'énormes aventures. C'est, pour résumé grossièrement, ce que souligne le roman de Daniel Poliquin, L'Historien de rien.

Le roman se divise en trois parties. Trois époques différentes dans la vie du narrateur, nommé Tom, sont dépeintes. La première s’intitule «La petite mère». Ce chapitre aborde le désir de cette femme franco-albertaine, grand-mère du narrateur, de voyager en Europe et de côtoyer les grands de ce monde: duc, princesse et autre lord. Elle voit alors son rêve avorté à cause de la Deuxième Guerre mondiale et du train qui ne s’arrêtera jamais à la gare.

Le deuxième volet, «L’Ex», parle d’un été dans l’enfance de Tom dans les années 60. Trois garçons au début de l’adolescence qui s’ennuient lors des vacances et qui cherchent à jouer aux bums. Ils décident donc d’aller faire un tour à l’Exposition du Canada central d’Ottawa, sans l’autorisation de leurs parents et sans argents. Une journée inoubliable pour eux.

Enfin, la dernière partie se nomme «Rocky». Tom fait un peu le bilan de sa vie, alors qu’il devient vendeur dans une quincaillerie, lui qui a fait carrière comme avocat pendant de nombreuses années. Après s’être conformé aux idées de son entourage sur quelles directions devaient prendre sa vie afin de leur faire plaisir, il se sent maintenant libéré de ces contraintes. Il profitent encore plus qu’avant des petits bonheurs et de tout ce qu’il lui reste à explorer.

Outre le narrateur, ces trois époques sont reliées par une grande naïveté. Autant dans les histoires que vivent les personnages que dans le ton emprunté à la narration. On sent l’esprit de l’enfant dans «L’Ex», l’innocence de celui-ci. La réalité telle que perçue par «La petite-mère» est empreinte de candeur. «Rocky», quant à lui, a la légèreté d’un homme mur qui vit maintenant pour son bonheur, sans stress et sans contrainte. Poliquin utilise aussi une écriture calquée sur le langage parlé, ce qui donne presque l’impression que le narrateur nous raconte ces histoires à haute voix, prenant pratiquement la forme de la confidence.

Par contre, cela demande du temps avant de pouvoir identifier le conteur au début du roman. La narration à la troisième personne, laquelle est très concentrée sur la vie de cette femme dans les premières pages, peut nous laisser penser à un narrateur omniscient. On nous présente Tom seulement plus tard dans le récit quand on en vient à nous parler de son père et de la relation que ce dernier avait avec sa mère. D’ailleurs, le premier chapitre de «La petite mère» contient tellement de détails sur la vie personnelle de celle-ci que l’on vient à se demander comment Tom a pu en apprendre autant sur cette femme qu’il n’a jamais connu.

Cela dit, L’Historien de rien se lit très bien. Il est agréable de plonger dans la vie de ces personnages. Ceux qui on déjà vécu dans de petites villes comprendront le désir de découvrir les splendeurs des grandes métropoles du monde de la petite mère. On retourne en enfance dans le deuxième chapitre, se reconnaissant même parfois dans la relation que Tom entretient avec ces amis un peu forcés de cet été. Et on espère avoir la même paix d’esprit que lui en lisant la nouvelle «Rocky». Ces petits riens sont peut-être anodins, mais ils sont ancrés dans un quotidien auquel tous peuvent s’identifier. On retient à la fin que le bonheur se trouve aussi dans les petites choses sans jamais être dit de façon moralisatrice.

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