«Les verrats» d’Edouard H. Bond: la terreur règne dans le 450 – Bible urbaine

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«Les verrats» d’Edouard H. Bond: la terreur règne dans le 450

«Les verrats» d’Edouard H. Bond: la terreur règne dans le 450

Publié le 9 août 2012 par Éric Dumais

Les parents qui croient que leur adolescent de 15 ans est sage comme une image pendant leur absence ont le doigt enfoncé dans l’œil et pas à peu près. Ces derniers mangeront fort probablement la claque du siècle lorsqu’ils auront entre les mains le court roman Les verrats d’Edouard H. Bond, le dernier bijou d’un auteur montréalais qui n’a pas l’habitude de mâcher ses mots, comme en fait foi sa collaboration aux magazines BangBang et URBANIA.

«On collectionnait les mauvais coups. On crevait les pneus des voitures dans le stationnement de l’hôpital. On vidait des bouteilles de Coke dans les boîtes aux lettres. On lançait des bombes puantes dans la salle au cinéma à dix minutes de la fin du film […]. On pétait la gueule à ceux qui osaient se mettre en travers de notre chemin, on pétait même la gueule à du monde pas rapport, qui nous avait regardés croche. On touchait des filles qui en avaient pas toujours envie et on brisait le cœur de celles qui nous auraient donné la lune. On faisait plus que répandre le mal, on l’incarnait. Après notre passage, on laissait un monde dévasté.»

À l’instar de Prison de poupées (2008) et Maudits! (2009), Les verrats est un récit percutant qui se déroule dans un univers où violence perverse et sexualité adolescente exacerbée se côtoient pour former un tout cruellement humoristique et explicite à la fois. Exit l’époque de la censure et des couvre-feux; dans l’univers des verrats, on devient des casseurs de premier ordre, des voyous inconditionnels, des petits crisses de banlieusards qui n’ont pas d’autre chose à faire que de semer le mal sur leur passage et de se détruire la santé à coup de clopes, de pills volées dans la pharmacie familiale, de lignes de coke, de mushrooms et de joints de marijuana.

Les Verrats n’est pas seulement un portrait sociétal d’un microcosme évoluant dans une banlieue typique; c’est aussi le reflet d’une société d’enfants-rois telle que nous l’avions découverte dans Charlotte Before Christ (2012) d’Alexandre Soublière. Évidemment, les parents travaillent à temps plein ou brillent par leur absence, ce qui résulte d’un problème d’évolution majeure chez l’adolescent en peine: ces jeunes sont laissés à eux-mêmes et plutôt que d’occuper leur temps à préparer leur avenir, ils préfèrent se la couler douce et se branler deux fois plutôt qu’une devant des orgies de she-male via des sites pornographiques tels que PornHub, RedTube ou xHamster.

David, Marco et Samuel sont de véritables petits crisses que l’on aurait envie de frapper en plein milieu de la face. Ces trois casseurs, qui ne savent probablement pas épeler le mot «verrat» comme il faut, ont certes des préoccupations, comme défigurer un gars tel que Trudeau (amicalement surnommé Trou d’eau), uniquement parce qu’il vient du 514. Leur problème, en fait, c’est qu’ils n’ont rien à faire et qu’ils tentent d’occuper leur (précieux) temps en devenant les super-héros d’une banlieue minable qui n’en a rien à foutre d’eux autres. Au fond, David, Marco et Samuel sont les reflets d’Alex et sa bande de droogs (signifie «ami» en russe) du célèbre roman A Clockwork Orange (1962) d’Anthony Burgess, à la différence près qu’ils n’ont pas (encore) l’instinct meurtrier.

Les verrats est un livre d’une cruauté sans bornes où l’exploration de la sexualité adolescente et de l’univers paradoxal des réseaux sociaux reflètent avec justesse le quotidien d’un adolescent typique. Certes, ils ne sont pas tous comme ceux-là, bien sûr, mais quelques-uns le sont, plusieurs même. Edouard H. Bond a même poussé sa luck un peu plus encore: il a cédé la narration du livre à son protagoniste David, un homosexuel toujours pas sorti du placard, pour forcer le lecteur à vivre à travers les yeux d’un adolescent qui n’a pas d’autre choix que de demeurer sous silence, étant donné la gang d’amis crinqués qu’il côtoie au jour le jour. Une situation ironique, certes, mais qui doit être pas mal plus répandue qu’on le pense.

Le lecteur avide de romans-chocs dévorera à coup sûr le cinquième opus d’un auteur qui manie bien le langage ultra-branché de notre jeune société de demain. Parents, vous êtes avertis, les jeunes ne sont plus aussi jeunes que vous le croyiez. Welcome to 2012.

Appréciation: ****1/2

Crédit photo: VLB Éditeur

Écrit par: Éric Dumais

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