LittératureRomans québécois
Simon Girard est un auteur québécois né en Allemagne il y a trente-deux ans. Dawson Kid (Boréal) et Tuer Lamarre (Leméac) sont ses deux premiers romans. Il récidive cet automne avec Les écureuils sont des sans-abris, un premier ouvrage humoristique aux allures d’un road trip, récemment paru chez Coups de tête.
«En 2004, j’avais vingt-cinq ans et je décidais de m’inscrire à l’aide sociale. Mon travail, je l’avais trouvé, je le faisais chaque jour et tant que ça me faisait pas vivre, je me contenterais de survivre. Les gens pensent que de recevoir un chèque du gouvernement chaque mois assure bonheur et paix, comme ils croient qu’ils seraient éternellement heureux sur le bord de la mer avec un verre à la main. Éternellement pendant combien de temps? Un mois? Deux? Selon mon expérience dans le Sud, l’éternité dure sept jours.»
Le personnage, un écrivain dans la trentaine, décide de partir dans l’Ouest canadien sur le pouce afin de promouvoir son nouveau roman, qu’il trimballe en plusieurs copies dans un sac à dos avec des amandes. S’il a décidé de quitter Montréal pour Vancouver, c’est parce que son attachée de presse a réussi à lui dégoter une entrevue à la radio. Et c’est mieux que rien! Sauf que le protagoniste semble aussi distrait qu’un homme qui remarque une belle femme dans la rue et c’est entre autres pour cette raison qu’il ne se rendra pas à destination… Son problème, c’est qu’il erre dans la vie au rythme de ses impulsions, qui ne sont pas toujours les bonnes. Bon, il vend des sandwichs dans les bars, rencontre de jolies filles, loue son corps à l’industrie pharmaceutique, boit de la bière, interprète des one man show dans des bars crades de la métropole, fait du pouce, déprime un brin, boit encore de la bière, tente d’écrire mais ne réussit pas. Enfin, un peu, mais son problème, c’est qu’il boit beaucoup trop de bière. Ah oui! Et il observe aussi les petits écureuils, ces rongeurs qui rôdent dans les rues de Montréal à la recherche d’un monde meilleur, un peu comme lui d’ailleurs.
Les écureuils sont des sans-abris s’apparente à n’importe quel autre road novel car, comme dans l’Homme de la Saskatchewan de Jacques Poulin ou Sur la route de Jack Kerouac, le personnage se retrouve au beau milieu de nulle part, sans cesse entouré d’amis ou d’étrangers rencontrés au hasard, mais toujours plus seul que jamais. Son caractère ambitieux mais pas trop lui donne l’air d’un ivrogne désabusé, et c’est la raison pour laquelle il rappelle toujours un peu plus Joseph Morneau, le protagoniste du dernier roman de Danny Plourde, sans l’impulsion meurtrière, vous l’aurez compris.
Malgré la forme non linéaire du récit, qui alterne des fragments du passé avec certaines bribes du présent, ce dernier se lit en toute simplicité, comme un Reader’s Digest sur le trône. Écrit dans un style sobre, parfois humoristique, jamais excessif, ce roman d’une grande simplicité vous fera certainement sourire à quelques reprises. Sans être pour autant un récit fort en rebondissements, Les écureuils sont des sans-abris demeure un bel exercice de style ressemblant un peu aux œuvres de Sylvain Houde et de Stéphane Dompierre, en peut-être plus léger. Le style d’écriture un peu hard sur les bords s’apparente davantage à celui de Houde et vous retrouverez les thèmes habituels de Dompierre, sauf qu’ici la passion pour la musique est remplacée par celle de l’écriture, les filles par l’alcool, mais, dans les deux cas, la trentaine est bien sonnée et la solitude, toujours plus profonde, plus creuse, plus impitoyable que jamais.
Simon Girard, avec ce troisième roman, n’apportera peut-être pas la paix dans le monde, mais il réussira à coup sûr à vous faire rigoler un peu ou, à tout le moins, à vous faire déprimer un peu plus, car peut-être vous reconnaîtrez-vous à travers les traits du protagoniste. Et, ce n’est pas parce qu’il a une drôle de fixation sur les écureuils qu’il ne vous ressemble pas dans la réalité. Pensez-y bien!
Appréciation: ***
Crédit photo: Coups de tête
Écrit par: Éric Dumais