LittératureRomans québécois
Né à Chicoutimi en 1964, Patrick Nicol habite maintenant en Estrie où il enseigne au cégep et à l’Université de Sherbrooke. L’auteur, dont l’économie de mots est un mot d’ordre, nous revient avec Les cheveux mouillés, un septième roman sobre mais saisissant.
«François prétendait écrire ailleurs et ce devait être au moins en partie, car les pages s’accumulaient, les livres se succédaient et avec les publications venaient les sorties, les conférences, les événements… Il avait probablement une maîtresse, peut-être même une amoureuse. Claire n’avait pas voulu savoir et, aujourd’hui, cette indifférence la surprend.»
Il est difficile de résumer un court roman comme celui-ci puisque à chaque recoin se cache un silence, une incertitude, une attente. Le caractère dépouillé du récit est certes une difficulté en soi, car c’est un peu comme si le lecteur devait discuter avec un enfant autistique. C’est la raison pour laquelle l’histoire s’embrouille plutôt que s’éclaircir, comme un ciel ombrageux. Et dans cette économie de mots qui lui est propre, Patrick Nicol renoue avec ses bonnes vieilles habitudes. Les cheveux mouillés est en effet aussi dépouillé que Le notaire et Nous ne vieillirons pas, tous deux parus aux éditions Leméac.
Le désaveu filial
Le récit nous plonge dans l’univers anguleux de François, un écrivain solitaire qui a déjà connu de meilleurs jours. Si la relation qu’il entretient avec sa femme Claire bat de l’aile, c’est qu’il n’accorde pas de crédit aux bonnes choses; François court les jupons à gauche et à droite comme un jeune adolescent découvre sa sexualité. Faute de mieux, Claire s’est éprise de quelques jeunes amants afin de contrer la solitude laissée par les nombreuses infidélités de son mari. Au bout du compte, l’histoire de François et Claire n’est qu’une relation adultère ultrabanale, car aujourd’hui les couples se séparent aussi rapidement qu’ils se créent. Par contre, le couple vit avec une sensation amère depuis longtemps, celle d’avoir ignoré égoïstement leur fils Guillaume, qui a lui-même reçu un enfant de sa jeune femme. Une distance entre parents et fils s’est naturellement créée avec les années, mais François et Claire vont réussir à suivre leur impulsion et à revoir leur tendre fils. Et c’est à travers le regard rempli de naïveté du jeune bambin qu’ils vont apprendre lentement mais sûrement à mieux aimer la vie, leur entourage, leur famille, et peut-être eux-mêmes?
Si le récit manque de constance à cause de son irrégularité narrative et du caractère ennuyeux et dénaturé des personnages, force est d’admettre, par contre, que l’apport des différents points de vue narratifs, celui de François en première partie, celui de Claire dans la seconde, rendent le récit de Patrick Nicol un peu plus appréciable.
Les cheveux mouillés est un récit sobre qui rappelle à certains égards le style dénudé de la grande écrivaine française Marguerite Duras, qui nous a bien régalés, il y a plusieurs années, avec ses romans L’Amant et Moderato cantabile. En somme, c’est un bel exercice de simplicité, qui vous aidera sans doute à vaincre les banalités du quotidien.
Appréciation : ** 1/2
Crédit photo: Marie-Claude Lapointe
Écrit par: Éric Dumais