LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Julia Marois
Martin, on vous souhaite la bienvenue à cette entrevue! Vous êtes un homme pour le moins polyvalent: historien, enseignant, animateur radio et balado, chroniqueur et producteur de contenus à saveur historique, et ça, c’est sans parler de votre participation en tant que directeur de projet à Montréal en histoires! D’où vient-elle cette passion sans commune mesure pour l’histoire?
«C’est une bonne question! J’étais un jeune adulte quand j’ai découvert ma passion pour l’histoire. J’avais 19 ans, je venais de terminer le cégep, et j’avais décidé de prendre une année sabbatique pour voyager en Europe. J’avais envie de visiter le monde, de rencontrer des gens, de voir de nouveaux paysages. Évidemment, tout ça s’est produit, mais plus encore: j’ai découvert la Grande Guerre, la Révolution française, l’Empire romain, la civilisation grecque, la Guerre froide, la Renaissance. Imaginez … J’étais en Suisse quand, dans la nuit du 9 novembre 1989, le mur de Berlin a été pris d’assaut par les Berlinois! Je suis sauté dans un train en direction de l’Europe de l’Est…»
«Bref, à mon retour à Montréal, je savais que j’avais le désir de tout apprendre sur l’histoire. Puis, de fil en aiguille, je suis devenu enseignant. J’ai développé une façon bien à moi de raconter l’histoire, et j’ai eu envie de la mettre en lumière de mille et une manières.»
Co-produit avec Montréal en histoires, votre balado Passé date?, que vous avez animé de septembre 2020 à août 2022, était diffusé sur QUB radio et visait les historiophiles (mais pas que!) de 7 à 77 ans qui s’intéressent, comme vous, à l’histoire du Québec et du Canada. Avec cette émission, votre mission était d’instruire votre public au sein d’une approche à la fois ludique et anecdotique. Qu’est-ce qui vous a motivé, à cette époque pas si lointaine, à vous lancer dans cette aventure podcastienne?
«En fait, les 33 épisodes du balado Passé date? sont toujours en vie! Ils sont écoutés quotidiennement dans des centaines d’écoles au Québec par des élèves de troisième et de quatrième secondaires qui découvrent leur histoire nationale. L’approche de Passé date? est, comme vous le spécifiez, ludique et anecdotique; on raconte l’histoire sans être trop sérieux, certes, mais toujours de façon soutenue et rigoureuse. C’est pourquoi il réussit à rallier le grand public amateur d’histoire.»
«On couvre 500 ans d’histoire avec le balado, on parle de politique, mais aussi d’histoire. On raconte l’histoire coloniale, mais en tenant compte de la perspective des premiers peuples d’Amérique. D’ailleurs, dès le début du processus d’écriture, Raymond Bédard et moi, nous nous sommes entourés de collaborateurs expérimentés afin de nous assurer que chaque thème était vulgarisé avec justesse sur le plan historique, mais également sur le plan social et anthropologique, et aussi sur le plan culturel. Avec Anne-Sophie Carpentier, Bastien Gagnon-Lafrance, Philippe Séguin et Étienne Roy, nous avons imaginé une approche audio didactique accrocheuse. Finalement, avec l’aide de nos spécialistes Médérik Sioui, Renée Achim, Mario Bissonnette, Ariane Girouard, Laurent Bigaouette et Nicolas Theoret, nous avons réussi à créer un balado historique avec une signature unique.»
«Un balado qui a reçu de nombreuses distinctions, dont le PRIX NUMIX il y a deux ans. Un legs historique pour plusieurs générations, je l’espère bien!»
Récemment, les Éditions du Journal ont dévoilé une méchante belle surprise: Passé date? La Nouvelle-France, un ouvrage de 232 pages où, en compagnie de Renée Achim (enseignante et rédactrice de contenu pédagogique pour Montréal en histoires) et de Raymond Bédard (professeur d’histoire et lauréat en 2011 du Prix d’histoire du Gouverneur général pour l’excellence en enseignement), avec une collaboration spéciale de Médérik Sioui (historien issu des Premières Nations), vous revisitez l’époque de la Nouvelle-France, et ce, avec la même vitalité qui a fait tout le succès de votre balado. Expliquez-nous comment est né ce projet, et de quelle façon vous avez fait la rencontre de ses spécialistes, devenus co-auteurs de ce livre.
«Tout d’abord, Raymond Bédard est l’auteur du livre d’histoire que j’avais en classe quand, adolescent, j’étais sur les bancs d’école au secondaire. Vous pouvez imaginer que, lorsque je suis devenu enseignant et que je l’ai croisé dans les congrès de la Société des professeurs d’histoire du Québec, j’avais très envie de le connaître! Au fil du temps, nous sommes devenus des amis et des collaborateurs.»
«Évidemment, quand j’ai écrit mes premiers textes de la première saison de Passé date?, j’ai tout de suite pensé à lui pour me relire et pour me conseiller. Puis, notre collaboration professionnelle a pris forme, et il a rédigé les textes des saisons deux et trois. Il était donc clair que, si on écrivait un livre inspiré des épisodes du balado, nous devions le composer ensemble!»
«Nous avons par la suite demandé à Renée Achim de se joindre à nous. C’est une femme de lettres, une auteure pédagogique exceptionnelle. Raymond et moi avions besoin d’être épaulés pour passer de la pédagogie orale au livre écrit, et pour faire en sorte que cette histoire de la Nouvelle-France racontée en mots soit… parfaite!»
«Nous nous sommes ensuite interrogés: “Quelle était la pertinence de cet ouvrage? Que pourrions-nous offrir de plus que les autres ouvrages sur le sujet?” C’est là que l’historien Médérik Sioui est entré en scène. Il a lu nos textes, nous a posé des centaines de questions en lien avec l’histoire autochtone, et il nous a proposé de nouvelles perspectives pour rendre notre livre d’histoire encore plus vrai.»
Et là, c’est notre curiosité qui parle: pourquoi avoir opté, autant pour le contenu de votre balado que pour celui de ce bouquin magnifiquement stylé, soit dit en passant, pour le partage de notions enseignées à des élèves de troisième et de quatrième secondaire? Notre petit doigt nous dit que, peut-être, c’est dans le but avoué de rendre l’histoire plus accessible à tous?
«Vous savez, en troisième et quatrième secondaires au Québec, on apprend l’histoire, mais pas juste l’histoire, on apprend, je le répète, NOTRE HISTOIRE NATIONALE! On met toute la gomme dans les écoles du Québec pour faire aimer cette histoire aux adolescents. Mais après, si on n’a pas développé cette passion historique, c’est possible qu’on ne s’y intéresse plus jamais, non?»
«En tout cas, nous, nous avons eu envie de la faire vivre, cette histoire, par un magnifique livre qui sera disponible dans toutes les librairies du Québec et qui, nous l’espérons, se retrouvera dans des milliers de maisons. Il n’a pas été écrit uniquement pour les jeunes; nous l’avons mis en forme pour que tout le monde qui s’intéresse de près à la culture, et qui a le goût de découvrir ou de redécouvrir l’histoire du Québec à travers l’œil de la période de la colonisation française, y trouve son plaisir.»
On ne se le cachera pas, au-delà de l’histoire en tant que telle, ce qui vous passionne, c’est de faire découvrir des personnages hauts en couleur et intrigants à votre public de passionnés. On parle pour parler: si vous aviez la chance de revenir en arrière au siècle de votre choix, à l’instar de Jacob Epping dans 22/11/63, célèbre roman de Stephen King, quelle année choisiriez-vous, et quels personnages historiques souhaiteriez-vous rencontrer? Dites-nous donc, au détour, ce que vous aimeriez leur dire!
«C’est un choix vraiment difficile à faire pour un homme d’histoire…»
«C’est certain que je serais tenté par l’Égypte ancienne de l’époque pharaonique. Pourquoi pas? Pour Athènes, au moment où Phidias mettait en forme le Parthénon, alors que la cité athénienne était le centre du monde.»
«Je serais aussi tenté par les dernières années de la vie de Léonard de Vinci, à l’époque où il vivait au château du Clos de Lucé en France et qu’il côtoyait François 1er. Mais, s’il faut faire juste un choix, je participerais plutôt au deuxième voyage de Jacques Cartier en Amérique.»
«Je voudrais tellement être de l’expédition qui débarque sur l’île de Montréal et qui fait la rencontre des habitants d’Hochelaga! Ce premier contact entre deux civilisations. Découvrir la richesse de la culture millénaire des premiers habitants de l’Amérique; entendre leurs voix; goûter leur nourriture; sentir leurs odeurs; dormir dans leurs maisons; chasser avec eux; bref, vivre la nature de l’île avant la colonisation.»
«C’est certain qu’avec les connaissances que je possède aujourd’hui, je prendrais plein de notes et j’apporterais quelques oranges pour éviter à mes compagnons de voyage les horreurs du scorbut, mais ça, c’est une autre histoire… Bonne lecture!»