LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Tous droits réservés @ Éditions Hurtubise
Marie-Christine, nos derniers échanges datent de septembre 2019 avec la parution de ton roman Tout comme les tortues. On était loin à ce moment-là d’imaginer la pandémie mondiale qui allait nous tomber dessus quelques mois plus tard! De ton côté, comment as-tu vécu ce chamboulement et est-ce que cela a affecté d’une quelconque façon tes processus de création et d’écriture?
«En effet, je pense que si on m’avait demandé de prédire l’avenir, j’aurais pensé à tout sauf à ça! Ça a été un moment très chamboulant pour moi. Je suis de nature anxieuse.»
«Donc, autant l’incertitude, que le danger inconnu, que tous les changements dans les relations humaines, c’était beaucoup à gérer. J’ai surtout réalisé que même si je travaille principalement de la maison, au quotidien, je vois beaucoup plus de gens que je le pensais! Quand tout ça a commencé, je me suis dit: «Ah, ça changera pas grand chose». Oh, comme j’avais tort.»
«L’écriture est un processus solitaire, mais ça demande quand même de sortir de son environnement de temps en temps. Je n’ai pas beaucoup écrit pendant le creux de la pandémie, parce que j’éditais Le sommeil des loutres et j’ai aimé avoir ce projet auquel me rattacher, me dire que quelque chose m’attendait au bout de la route, même si la route semblait interminable parfois…»
Justement, ton troisième et plus récent roman, Le sommeil des loutres, vient de paraître ce 26 août aux Éditions Hurtubise. Il succède ainsi à L’allégorie des truites arc-en-ciel (2018) et Tout comme les tortues (2019), et aborde toujours les thèmes de l’amour et des relations hommes-femmes. On a l’impression qu’une série se forme naturellement avec ces trois parutions aux titres animaliers: est-ce le cas, et pourquoi?
«Ce sont des œuvres indépendantes, mais c’est vrai que des thèmes les relient entre eux, outre les animaux, ce qui je crois est rendu un peu ma signature. Tant que ça va fonctionner avec les histoires, je vais essayer de garder ça, je pense.»
«Ce que je trouve cool, c’est que ces romans-là se complètent très bien – à mon humble avis ;) –. Ce que je veux dire, c’est qu’on y parle de relations humaines, mais jamais au même stade. Dans les truites, on est dans l’amitié profonde, dans l’amour qu’on hésite à se permettre de vivre au risque de tout perdre. Dans les tortues, on est plus dans l’envers de la médaille. Qu’est-ce qu’on fait une fois que notre vol plané amoureux se termine en écrasement? Finalement, pour les loutres, ce que je trouve qui le rend unique, c’est le développement d’une relation à partir de rien.»
«Dans mes autres romans, le lecteur débute en comprenant qu’il existe déjà une relation intime entre les personnages. Dans le cas des loutres, on rencontre Jake et Émilie au même moment où ils se rencontrent eux. Donc, j’aborde plus la création de ce lien de confiance.»
Dans cette histoire, deux jeunes destins brisés se rencontrent et s’apportent mutuellement espoir et lumière à travers la relation qu’ils nouent ensemble. D’où t’est venue l’inspiration pour ce livre, et comment les deux personnages principaux, Jake et Émilie, ont doucement pris forme dans ton imaginaire?
«C’est le roman qui mijote en moi depuis le plus longtemps. J’avais écrit une première version en anglais quand je vivais aux États-Unis et, bien que j’aie mis le projet de côté en revenant au Québec, ces personnages sont restés avec moi.»
«J’attendais le bon moment, l’inspiration pour pouvoir les amener ici, dans mon univers créatif en français. Tranquillement, Jake s’est réimposé dans mon esprit, environ au moment où j’ai terminé l’édition des tortues. Je pensais à lui beaucoup, j’ai en quelques sortes «extrait» Jake et Émilie de leur première histoire et j’ai gardé leurs essences, même si tout le reste a changé.»
«Ça faisait vraiment longtemps que je voulais parler d’eux, mais j’ai été patiente. J’attendais le bon contexte. C’est vraiment doux de savoir que je l’ai trouvé et qu’ils sont aujourd’hui entre les mains des lecteurs, alors que je les ai gardés pour moi pendant près de 10 ans.»
Est-ce que ton doctorat en psychopédagogie à l’Université Laval a justement, d’une manière ou d’une autre, joué un rôle dans la construction de la psychologie de ces personnages?
«Je pense que c’est un intérêt que j’ai depuis toujours. Donc, je ne sais pas à quel point c’est mon doctorat qui fait en sorte que je suis aussi intriguée par la pensée humaine, ou bien si c’est parce que j’ai toujours eu cette curiosité de comprendre les gens que je suis allée vers ce domaine. L’œuf ou la poule, qu’ils disent, hein?»
«Une chose est certaine, c’est que ça me fascine – genre à un autre niveau – de comprendre comment les gens pensent. Je veux toujours savoir pourquoi ils agissent comme ils le font et j’aime décortiquer des émotions, les nommer, les comprendre. Ça fait partie de moi de penser comme ça.»
On jase, là! Mettons que tout soit possible, y compris voyager dans le temps, quel.le auteur.e aimerais-tu inviter à la maison pour un souper animé, et pourquoi?
«On dirait que comme vous avez ouvert la porte vers le voyage dans le temps, j’ai envie d’aller voir de ce côté-là. Je pense que j’aimerais avoir une table de femmes qui ont écrit avant que ça soit acceptable de le faire, leur parler de ce que je tiens tellement pour acquis, les remercier d’avoir ouvert la voie pour nous. J’aimerais aussi voyager pour aller confirmer la théorie que les textes de Shakespeare étaient écrits par une femme, par pure curiosité.»
«Sinon, dans le moins scandaleux et plus probable, j’aimerais souper un jour avec Matthieu Simard, juste parce qu’il a une des plumes les plus justes, les plus drôles et les plus magnifiquement douloureuses que j’ai lues à ce jour. Je lui dirais ça. Je rougirais, mais je l’assumerais parce que je le pense. On pourrait se faire une fondue. Ça serait beau, comme moment.»