LittératureL'entrevue éclair avec
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Jade, tu es titulaire d’un D.E.A. en Esthétique, sciences et technologies des arts de l’Université Paris VIII et tu détiens également une maîtrise en théâtre de l’UQAM. À quelques reprises, on a aperçu ton nom dans La Presse, où tu as été journaliste et critique d’art. Parle-nous brièvement de ton parcours et de la personne que tu es devenue, aujourd’hui!
«Je viens de la performance. J’étais tellement passionnée par mon sujet que j’en ai fait des études doctorales. Or, il n’y a pas beaucoup de métiers pour les théoriciens en art au Québec. À mon retour ici, la seule option possible était… de devenir critique.
Ce qui est un peu paradoxal, car c’est une posture de l’extérieur. C’est aussi une posture ennemie. Pourtant, j’ai toujours été profondément praticienne. Pour moi, la théorie et la pratique peuvent se répondre et se nourrir.»
Du côté des Éditions Marchand de feuilles, tu as fait paraître deux livres, Komsomolet et Le rire des poissons, et il semble que tu aies un faible pour les événements qui allient littérature et oralité, ce qui explique ta présence à titre de performeuse au Festival Voix d’Amériques et au Festival International de la Littérature (FiL)! Parle-nous de ton rapport à la littérature, ou plutôt de ce « clivage » entre l’artiste qui écrit et l’artiste qui performe sur une scène.
«Je m’intéresse depuis des années à la notion de présence sur scène et à son impact sur la littérature. Voilà pourquoi j’ai si longtemps exploré le spoken word et m’y suis toujours sentie à ma place. On me dit souvent que mes écrits ont une oralité qui leur est propre, et ce, même lorsque je n’écris pas spécifiquement dans un but performatif. J’imagine que ça doit venir de là.»
«Mes premières amours sont en dramaturgie, la poésie est venue bien plus tard dans ma vie. Et puisque je suis toujours entre les genres, dans l’espèce d’espace entre les catégories (entre prose et poésie, entre théâtre et performance), personne ne sait où me caser! :) Et ça embête pas mal de gens (et de diffuseurs).»
«Je ne parlerais donc pas d’un clivage, mais plutôt de clivages au pluriel. Or, pour moi, ce sont des ruisseaux qui s’abreuvent tous au même fleuve. Performer et écrire sont, pour moi, deux façons de faire entendre des voix narratives… parmi plein d’autres qui m’intéressent tout autant.»
En mai dernier, les Éditions Écrits des Forges levaient le voile sur ta plus récente parution, un recueil de poésie intitulé Sortir avec une chanteuse. À travers ce livre, tu as cherché à mettre «en relief les failles d’une relation difficile parce qu’elle magnifie les forces et les faiblesses inhérentes à ce couple atypique». Où as-tu trouvé l’inspiration pour ce titre et cette thématique, et qu’est-ce qui t’a donné l’impulsion d’explorer ce sujet?
«Il y avait longtemps que je voulais parler de la passion amoureuse, de cette étrange névrose que nous expérimentons presque tous. Cette chose qui disparaît si vite, malgré sa force, comme une tornade qui n’a plus pied à terre. C’est un sujet si intéressant! J’avais des carnets de notes remplis, mais je ne trouvais jamais l’angle. J’avais même fait une série d’entrevues sans donner suite. Je ne trouvais pas.»
«Et puis, soudainement, par un hasard de la vie, j’ai eu tout en main. La mise en relief de la passion amoureuse grâce au rapport de séduction d’une personnalité publique adulée. Qu’arrive-t-il lorsqu’on tombe amoureux de quelqu’un dont des milliers de personnes sont aussi amoureux? Et comment cette personne gère-t-elle la séduction constante qui en découle? C’était une métaphore magnifique du leurre.»
«Je savais que je tenais enfin ce qui me manquait, tout était là. Quant au titre, il m’apparaissait éminemment porteur. Chanter la pomme, chanter comme la cigale, tout ça. J’aime bien ce titre, je dois avouer.»
Accepterais-tu de nous partager l’intégralité ou un extrait d’un de tes poèmes, celui qui résonne le plus en toi, histoire de nous partager ton ressenti face à celui-ci?
«Bien sûr. Je choisirais ceci»:
Tant d’apprêts et d’ornements/ En feston le vendredi / De l’or sur une esquisse au charbon / S’emballer dans le vin orange / Se taire au risotto / Interrompre
Pendant que tout piaffait dans ta brusquerie / Les repas recommencements / Mes yeux sur le couteau / Avaler mon dépit avec obéissance / Devant la télé
Dehors la tempête cogne pour entrer
«J’aime beaucoup ce passage, car il jouxte le réel et l’artifice. Le côté prosaïque des repas, la vulgarité de la routine et le glamour. Et la chute sur cette catastrophe annoncée. J’aime aussi sa sonorité, je l’avoue. On revient donc à l’oralité inconsciente! ;)»
Et alors, qu’est-ce que 2021 te réserve pour les mois à venir? Parle-nous des projets qui t’occupent en parallèle, si, bien sûr, ils ne sont pas sous le sceau du secret!
«Je collabore pour la première fois avec un auteur-compositeur-interprète que j’admire beaucoup. J’avais laissé de côté depuis très longtemps la musique et j’ai été enchantée de m’y plonger à nouveau, et aussi bien accompagnée. C’est une vieille porte que j’ai réouverte. J’adore ce genre d’aventures. J’ai aussi collaboré aux textes. Une première, pour moi, en chanson.»
«Je travaille aussi sur un projet d’écriture dont je cherche encore la forme. Encore quelque chose d’inclassable, sans doute!»