«L'entrevue éclair avec...» Antoine Charbonneau-Demers, auteur et fin observateur du réel – Bible urbaine

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«L’entrevue éclair avec…» Antoine Charbonneau-Demers, auteur et fin observateur du réel

«L’entrevue éclair avec…» Antoine Charbonneau-Demers, auteur et fin observateur du réel

«Roman sans rien», une œuvre sans invention, sans fantaisie et sans fioritures

Publié le 12 mars 2024 par Éric Dumais

Crédit photo : Joel Halcro

Dans le cadre de «L’entrevue éclair avec…», Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur sa personne, sur son parcours professionnel, ses inspirations, et bien sûr l’œuvre qu’il révèle au grand public. Aujourd'hui, on a eu le plaisir de jaser à nouveau avec Antoine Charbonneau-Demers, auteur dont la plus récente œuvre, «Roman sans rien», publiée chez VLB Éditeur, vient de paraître en librairie. Après «Coco», «Good Boy» et «Daddy», il revient avec un quatrième livre au titre énigmatique et à travers lequel il a fait le choix délibéré d'écrire «sans invention, sans fantaisie, sans fioritures» pour mieux observer le réel.

Antoine, c’est un plaisir de te retrouver! Te rappelles-tu? En septembre 2020, tu nous avais présenté une anecdote sous la forme d’une correspondance au sein de laquelle tu nous confiais les craintes et regrets qui te tourmentaient – n’ayons pas peur des mots – l’esprit à ce moment-là. C’était à l’époque de Daddy, livre qui a vu le jour à coup de sprints de 10 h d’écriture par jour! Alors, quoi de neuf depuis notre dernière discussion? Le temps passe…

«Le temps a vraiment passé! J’ai commencé Roman sans rien en 2018, et il sort aujourd’hui, six ans plus tard. Je pense que, justement, les craintes et les regrets ont servi de matériel pour écrire Roman sans rien. Depuis Daddy, j’observe les conséquences de l’écriture autobiographique. J’ai donc voulu réfléchir à cette démarche à travers l’écriture du réel, mais aussi à travers la fiction.»

«Puisque vous n’avez pas peur des mots (chanceux!), disons que je me demande souvent si ce que je fais, c’est bien ou mal. Si mon écriture est utile ou nuisible. Je n’ai pas trouvé de réponse à ça. On pense souvent que la littérature libère les écrivains, mais chez moi, on dirait plutôt qu’elle creuse un vide.»

«Ça n’a pas l’air très joyeux, dit comme ça, mais je vous rassure: on rit beaucoup en me lisant!»

Pour ceux et celles qui l’ignoraient, tu es diplômé en création littéraire de l’UQAM, d’où ton amour pour l’écriture, mais aussi du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, ce qui t’a permis de te glisser dans la peau d’Antoine l’acteur, et même d’apprivoiser l’écriture d’une pièce de théâtre. On fait bien sûr référence à La litanie des méchants et des mouches à fruits, une pièce ultra minimaliste qui a bénéficié d’une belle reconnaissance et qui a été lue lors de l’événement Porte Voix, en 2017. Ça nous fait penser: en entrevue à ICI Radio-Canada, tu avais dit: «C’est spécial, parce que j’ai étudié en jeu, mais je me démarque en littérature.» Et rappelons que l’année précédente, en 2016, ton premier roman Coco recevait le prix Robert-Cliche… Décidément, ta vocation d’écrivain a une longueur d’avance, en effet. Des regrets, ou pas du tout?

«Le jeu ne me manque pas du tout! Écrire, ça me vient tout seul. C’est nécessaire. Ne pas écrire, ça serait comme me retenir. Le jeu, j’y reviendrai peut-être quand j’y serai prêt, mais pour l’instant, c’est impensable. Je peux monter sur scène, mais pas dans un personnage.»

«Au Conservatoire, nos profs nous répétaient qu’il fallait “avoir du plaisir” — c’était comme une obligation. Et je n’ai jamais réussi à en avoir. Ce qui m’intéressait dans le théâtre, c’était l’art, tout simplement. Je n’avais juste pas trouvé le bon médium.»

«L’écriture a été la réponse à toutes mes remises en question. “Vocation”, c’est le mot juste. Je me considère extrêmement chanceux d’avoir découvert ma passion, et je suis fier d’avoir osé en faire ma carrière.»

En tout cas, pour nous, tu sembles être définitivement dans ton élément, puisque ton quatrième livre parait dès aujourd’hui en librairie! D’ailleurs, parlons-en de ce livre. Ce plus récent ouvrage, intitulé Roman sans rien, est bien énigmatique… Sur la quatrième de couverture, on lit: «Trahisons du roman et fourberie de l’art, violence du désir et ridicule des corps, et ce vide à remplir qui ne se comble jamais, et la famille, et la communauté, tout ce qui enracine et aliène en même temps…» Ton livre parle de tout ça à la fois, et de bien d’autres choses, aussi. D’où t’est venue l’idée d’écrire ce drôle d’ovni, empreint d’une «choquante légèreté», et quel message – à moins que l’on doive dire quels messages – souhaites-tu faire passer à tes lecteurs?

«En 2018, je suis tombé amoureux d’un gars. Il m’a dit qu’il différenciait facilement ce que j’inventais de ce qui était réel, dans mes livres. C’est lui qui m’a suggéré d’écrire “sans rien”, c’est-à-dire sans invention, sans fantaisie, sans fioritures. Et moi, j’ai choisi de l’écouter, parce que je voulais lui plaire.»

«Je suis parti en voyage et j’ai commencé un journal en me disant que je le publierais tel quel. Mais je n’étais pas satisfait. Cinq ans plus tard (entre-temps, j’ai publié Daddy), j’ai laissé mon imagination renaître et j’ai écrit une deuxième partie au roman, comme une réponse à la première.»

«Je raconte donc plusieurs événements et j’aborde tous les sujets que vous venez de nommer, mais le point de départ, c’est le besoin de plaire. Le message, selon moi, c’est qu’écrire ne soigne pas toujours les blessures d’un auteur. Un écrivain ne doit pas utiliser la littérature pour obtenir de l’attention, pour être considéré, aimé et entendu.»

«Écrire des livres ne doit pas servir d’appel à l’aide — c’est voué à l’échec.»

Dans quelle disposition d’esprit le lecteur doit-il se placer pour accueillir cette œuvre comme il se doit, d’après toi?

«J’ai essayé d’imiter le style de Marc Levy ou de Guillaume Musso, deux auteurs qui m’inspirent, même s’ils ne me ressemblent pas.»

«Je rêve qu’on me lise pour s’évader, que mon style s’efface, qu’on oublie l’écriture et qu’on se laisse emporter par l’histoire. La tentative est palpable, mais je suis bien conscient que c’est raté. Je le dis avec un clin d’œil parce que mes livres sont drôles, mais ils sont aussi des cris du cœur, comme je viens de le dire. Derrière la légèreté et l’humour, il y a une détresse qu’on retrouve peut-être moins chez Levy ou Musso. Il faut être prêt à recevoir ça, je crois.»

«Après, je ne voudrais surtout pas vous dire comment me lire. Par contre, l’autre jour, un lecteur m’a dit qu’il me lisait d’une main (je vous laisse imaginer ce qu’il faisait avec l’autre), et ça, ça m’a fait de la peine. La sexualité est très présente dans mon nouveau livre, mais pas toujours sous la forme d’expériences heureuses.»

«Si vous me lisez d’une main, c’est correct, mais je ne veux pas le savoir.»

Et alors, à quand notre prochaine rencontre? On espère que ça sera avant 2027, quand même!

«OK! J’accepte le défi. En 2025 ou 2026 alors! Dans deux ans, tout au plus, on va se parler de mon nouveau best-seller international, une fiction inventée de toutes pièces. D’ici là, je vais me produire sur scène avec mes textes (eh oui, je me fais violence!) à La Chapelle Scènes Contemporaines, cet automne.»

Roman sans rien d’Antoine Charbonneau-Demers est présentement disponible en librairie  au coût de 31,95 $ (papier). Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.

*Cet article a été produit en collaboration avec VLB Éditeur.

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