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Crédit photo : Seuil
À l’instar des défunts Franz Kafka, Agota Kristof et Eugène Ionesco, qui avaient tous la fibre accusatrice au fond d’eux-mêmes, Mo Yan use d’une plume ludique et sarcastique pour dépeindre en second plan le portrait capitaliste qui a régné en Chine dans les années 1970. Sans vouloir directement lever le doigt d’honneur aux visages de Mao Zedong, Zhu De ou autres dirigeants chinois, Mo Yan s’attaque indirectement au gouvernement chinois par le biais d’un conte anecdotique comique et absurde qui plaira autant aux jeunes adolescents qu’aux adultes. À noter toutefois qu’un minimum de maturité est requis pour bien saisir les enjeux autour de l’histoire.
Natif de Taiping, Luo Han, 14 ans, est un jeune voyou typiquement truffautien qui collectionne les 400 coups et les torgnoles du voisinage. Espiègle comme pas un et nullement avantagé par la nature, il n’en demeure pas moins que le jeune Luo est un charmant petit garçon. La vie du jeune Chinois connaîtra un chamboulement majeur à la seconde où le camarade Dong, célèbre vétérinaire de la région, rendra visite à son oncle grêleux dans le but de castrer ses veaux, en particulier Double Échine, qui s’est frotté contre 13 vaches et qui demeure le plus actif sexuellement aux côtés du grand Luxi et du petit Luxi. Malencontreusement, le vétérinaire n’avait aucunement pris en considération les risques encourus par une telle opération, car castrer un veau à froid sans l’appareillage médical requis n’est peut-être pas l’idée du siècle. Et, vous l’aurez deviné, Double Échine, dont les testicules avaient eu le temps de fonctionner à plein régime quelques jours plus tôt, développera une infection aussi dégoûtante que la peste. Comment Luo Hang et le sexagénaire Monsieur Du arriveront-ils à sauver le veau sans recevoir les réprimandes de l’oncle grêlé, du directeur Sun et de toute la populace?
À vous de le découvrir, mais soyez avertis: derrière la plume ludique de Mo Yan se cache une dimension politique et sociale d’une lucidité réellement déconcertante, mais qui n’entache en rien le peuple chinois ou les hautes instances politiques. L’écrivain met seulement en lumière certaines mœurs et décisions politiques de l’époque afin de les dépeindre avec art et sarcasme. Si vous avez aimé la légèreté de La moustache d’Emmanuel Carrère et le caractère épuré de La trilogie des jumeaux d’Agotha Kristof, ce court récit d’environ 150 pages est pour vous.
À noter que le court récit est suivi du conte Le coureur de fond, une histoire anecdotique dédiée à la mémoire du défunt Zhu Zongren, un instituteur remplaçant ayant marqué les jeunes années de l’auteur dans son école primaire de Dayanglan. Ce récit véridique, qui raconte les activités sportives de l’école en 1968, est par contre d’un réel ennui comparativement au délicieux conte Le veau.
Restez à l’affut puisque dans les prochaines semaines nous vous parlerons de l’ouvrage Les grenouilles, paru récemment aux éditions du Seuil dans la collection Points.
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de la rédaction