LittératurePolars et romans policiers
Crédit photo : Les Éditeurs réunis
Résumer une histoire complexe
L’inspecteur Bernard Auclair œuvre depuis 25 ans au service des enquêtes criminelles de la Sûreté du Québec. Peu de temps après la nomination du capitaine Gagnon, Auclair se retrouve muté aux affaires non résolues, en raison d’un problème personnel avec son supérieur. Il faut croire que derrière chaque déception se cache une parcelle d’espoir puisque Bernard Auclair rencontrera la jeune inspectrice Nancy Brouillard, sa nouvelle coéquipière, qui l’aidera non seulement à percer le mystère entourant l’internement de Paul-Olivier Duval et du poète Émile Nelligan, mais aussi à trouver un certain sens à sa vie. Ainsi, les deux inspecteurs devront fouiller les archives policières et tenter de résoudre un meurtre vieux de 70 ans, celui de Paul-O. Duval, qui ressemble étrangement à celui dont Émile Nelligan et deux membres de l’École littéraire de Montréal, Arthur de Bussières et Charles Gill, ont été témoins à l’époque.
Parallèlement à cette enquête pour le moins tordue, Auclair et Brouillard font la découverte de sociétés secrètes, des forces occultes auxquelles des policiers corrompus auraient appartenu jadis. Réussiront-ils à rassembler les pièces du casse-tête et ainsi mettre le grappin sur les coupables? Y a-t-il un lien, en somme, entre la sombre histoire de Paul-Olivier Duval et celle d’Émile Nelligan?
Le secret Nelligan versus Da Vinci Code
La force de romanciers à polars intelligents tels que Dan Brown, Stieg Larsson, Jean-Christophe Grangé et même Mario Hade, c’est qu’ils ont le pouvoir et l’audace, grâce à leur plume fluide et savante, de créer une oeuvre fictionnelle défiant la réalité. Leurs récits évoluent lentement, toujours judicieusement et subrepticement, et les détails ne sont partagés avec le lecteur que par bribes ou énigmes, histoire de ne pas révéler trop de détails croustillants. Il y a bien sûr une méthodologie précise que Dan Brown s’amuse à enseigner à temps perdu, entre deux piliers de la littérature populaire moderne.
Sans vouloir trop comparer Mario Hade à Dan Brown, puisque les deux écrivains innovent chacun à leur manière dans leur genre respectif, force est de constater que les deux romanciers ont pourtant certaines familiarités très respectables. Là où Dan Brown excelle et où Mario Hade scintille un peu moins est dans la façon dont la résolution de l’énigme est apportée. En effet, Le secret Nelligan n’est pas un roman où le lecteur est appelé à participer à l’enquête. Les inspecteurs Bernard Auclair et Nancy Brouillard, contrairement au symbologiste américain Robert Langdon du Da Vinci Code, tentent de résoudre les clés de l’énigme par eux-mêmes, selon la méthodologie normale d’une enquête policière, méthode qui contient à elle seule sa part de longueurs et de lassitudes. Le lecteur n’a donc aucune part active dans le processus de lecture, ce qui peut parfois alourdir la lecture d’un tel roman. Cependant, là où Mario Hade excelle avec Le secret Nelligan, c’est dans la construction de l’énigme et dans la précision des détails, qui pullulent telles une armées de fourmis dans une fourmillière.
Le secret Nelligan : une œuvre romanesque poétique
Le secret Nelligan demeure néanmoins un livre éclairé qui tente de faire la lumière autour de l’internement du grand « prince des poètes », Émile Nelligan, qui s’est retrouvé à l’orée de ses 19 ans à Saint-Jean-de-Dieu, aujourd’hui rebaptisé l’hôpital Louis-H. Lafontaine. En plus de mêler l’enquête policière et les détails biographiques d’Émile Nelligan, ainsi que certains écrits théoriques ayant été écrits à son sujet, le récit de Mario Hade offre ceci d’intéressant, c’est-à-dire qu’il tente de démystifier un acte barbare ayant été commis au XXe siècle, en lui attribuant néanmoins une bonne dose de fiction. De plus, le livre contient un glossaire, à l’intérieur duquel on retrouve la liste exhaustive de tous les personnages, réels ou fictifs, qui sont intervenus à un moment ou l’autre de l’histoire.
Si l’œuvre de Mario Hade peut parfois paraître quelque peu lassante, compte tenu du nombre exorbitant de personnages qui gravitent autour des deux protagonistes et de la pléthore d’incidents et de contretemps qui leur barrent sans cesse la route, le récit demeure toutefois assez captivant pour vous donner l’envie de prolonger le plaisir jusqu’à la dernière page.
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de la rédaction