LittératurePolars et romans policiers
Crédit photo : Actes Noirs
C’est donc l’inspecteur en chef Hermann Preiss du commissariat de Munich qui sera chargé de l’affaire. Mais avoir comme client le célèbre et imposant Richard Wagner est-il pour autant un coup de chance? Aucunement, car son arrogance et son entêtement ont déjà fait le tour du globe et, même si le génie est l’auteur des opéras les plus marquants de la musique classique du XIXe siècle, il n’en demeure pas moins que Richard Wagner est un être insupportable!
Ainsi, le protagoniste devra faire fi des mauvaises manières du maestro et s’investir un peu plus dans sa vie et ses occupations professionnelles afin de faire la lumière sur les gens qui auraient intérêt à se venger sur la personne du compositeur. De fil en aiguille, l’entourage professionnel de Wagner s’écroule tel un château de cartes, ce qui pousse Preiss à croire qu’il va doit agir rapidement avant qu’il n’ait d’autres meurtres sur la conscience. Et si l’ennemi juré de Richard Wagner a la ferme intention de mettre son plan à exécution, qu’arrivera-t-il le soir de la première du 21 mai 1868?
Après Meurtre en la majeur (Actes Noirs), où Morley Torgov s’est attaqué au cas Robert Schumman, célèbre compositeur romantique allemand ayant mis en musique les poèmes de Goethe, entre autres choses, l’auteur aujourd’hui établi à Toronto récidive avec ce qui semble devenu son sujet de prédilection: les compositeurs classiques! Et choisir Richard Wagner comme principale cible de ce troisième roman était un choix éclairé pour brouiller les pistes du lecteur, puisqu’il est connu de tous que Wagner était un révolutionnaire porté par des idées radicales qui l’ont mené à haïr les juifs et à entretenir la haine de ses semblables.
Morley Torgov nous fait donc entrer promptement dans cette Allemagne du XIXe siècle par le biais d’un thriller policier aux allures de film noir qui confirme en tout point son talent pour la mise en scène du suspense et de l’intrigue. Raconté à la première personne du singulier, Le maître chanteur de Minsk se veut en quelque sorte les mémoires d’Hermann Preiss, qui nous raconte avec force détails le déroulement de son enquête au fil de ses découvertes. Le fait d’avoir imposé une limite à son récit, en l’occurrence une seule trame narrative, est une manière habile de «déguiser» son meurtrier puisque le lecteur n’a pas la possibilité d’avoir une longueur d’avance sur le protagoniste. Ainsi, Morley Torgov s’inscrit davantage dans la lignée des romanciers policiers que des auteurs de polars, ces derniers s’amusant souvent aux dépens des lecteurs en créant une deuxième dimension narrative dans laquelle l’auteur nous fait entrer dans la conscience dérangée de son assassin, ce qui permet au lecteur d’avoir en tête différents indices et doutes quant à l’identité du coupable.
Malgré ces précautions stylistiques, là où Morley Torgov réussit un peu moins son coup, c’est dans l’abondance des détails, puisque s’il avait été un peu plus avare de mots, peut-être que l’identité du criminel aurait agi tel un coup de théâtre à la toute fin du récit, un peu comme Agatha Christie avait si bien l’habitude de faire. Même si l’auteur a fait un travail exemplaire sur la forme, il demeure qu’un lecteur moindrement expérimenté saura rapidement reconnaître celui ou celle qui veut se venger sur la personne de Richard Wagner, et uniquement à cause de cela le plaisir tarde à accompagner la lecture, surtout en fin de parcours lorsque le rideau se referme.
«Le maître chanteur de Minsk», Morley Torgov, Actes Sud, Actes Noirs, 364 pages, 37,95 $.
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de la rédaction