«Le Guide du Mauvais Père 2» de Guy Delisle – Bible urbaine

LittératureBandes dessinées et romans graphiques

«Le Guide du Mauvais Père 2» de Guy Delisle

«Le Guide du Mauvais Père 2» de Guy Delisle

Une bulle de déception

Publié le 11 avril 2014 par Marie-Michèle Martel

Crédit photo : Éditions Delcourt

Tous les amateurs du bédéiste Guy Delisle attendaient avec impatience la suite du premier tome du Guide du Mauvais Père. L’auteur étant actif sur les médias sociaux, il avait déjà laissé des traces de son travail sur son blogue. De quoi piquer la curiosité de tous ses fans. Malheureusement, l’excitation de l’attente a été plus forte que le livre en lui-même.

Dans le deuxième tome du Guide du Mauvais Père, les lecteurs retrouveront avec plaisir le personnage de Guy Delisle et de ses deux enfants, Alice et Louis, qui le suivent d’ailleurs dans la majorité de ses œuvres. Nous pouvons même penser qu’ils sont parfois plus matures que lui! Ce nouveau livre nous en donne un bel exemple lorsque, trouvant un party plutôt ennuyant, le bédéiste trouve un prétexte pour se lever et partir. Alors, la jeune Alice révèle devant tout le monde qu’il ment parce qu’il s’ennuie terriblement!

Ce qui rend ses personnages si attachants est sans aucun doute leur façon de raisonner et de poser des questions. D’ailleurs, ces petites mises en scène favorisent aussi le malaise du lecteur. Celui-ci prend un malin plaisir à voir le père parler avec ses enfants et faire preuve d’une aussi grande (voire effrayante) franchise.

Par exemple, soulignons le moment où, alors qu’ils sont en vacances au chalet familial, il explique à son fils pourquoi il doit coucher dans le lit près de la porte de la chambre: c’est pour protéger sa petite soeur des dangers potentiels. Il va même jusqu’à décrire l’arrivée d’un dangereux meurtrier qui entrerait dans la maison pour les faire souffrir tour à tour!

Si les personnages sont toujours aussi attachants, pourquoi le livre n’est-il pas à la hauteur des attentes? Le Guide du Mauvais Père fonctionne par anecdotes qui se résument à quelques illustrations. Le choix de ces anecdotes ne semble pas aussi judicieux que lors du premier tome. Ce dernier nous présentait en effet des situations typiques de parents où chacun pouvait se rappeler une expérience vécue ou un moment stéréotypé de leur situation familiale.

Dans ce deuxième tome, les anecdotes sont plus personnelles et moins hilarantes. On y reconnaît certes le besoin des parents d’être aimés de leurs enfants, qui leur achètent des gâteries et leur promettent un après-midi exempté de cours. Mais, grosso modo, certaines anecdotes nous arrachent un rire, d’autres nous font sourire et certaines nous laissent complètement indifférents. Comme nous le verrons plus bas, sans nous faire rire, ces anecdotes provoquent plutôt le questionnement sur le véritable effet humoristique de la situation.  

Dans un livre aussi court et basé sur une série de petits punchs, il faut éviter justement qu’un trop grand nombre de saynètes ne soient que peu ou pas du tout hilarantes. À plusieurs reprises, le lecteur s’attend à une conclusion qui le fera rire, mais l’effet n’arrive pas. Uniquement deux anecdotes nous permettent de se questionner sur l’éducation parentale. Bien entendu, au premier niveau de lecture, les lecteurs pourront en rire, mais le fait de rire de ses situations crée un malaise quant à l’exemple à montrer aux enfants.

Dans la première anecdote, Louis a oublié ses devoirs à l’école. Au moment d’appeler le parent d’un autre élève, Guy Delisle sélectionne les parents selon des critères plus ou moins valables, dont l’haleine ou la beauté de la mère. On ne peut nier que cela nous est déjà arrivé de penser ainsi, mais en quoi est-ce un bon exemple pour un enfant?

La deuxième anecdote pose la question sur le style d’humour. Guy Delisle marche dans la rue avec Alice et Louis et discutent des sans-abris. Ils en viennent à la conclusion qu’ils pourraient en inviter un pour la nuit dans les prochains jours. Si bien que quelques jours plus tard, lorsqu’un ami de leur mère (rappelons que Nadège travaille pour Médecins sans frontières) vient rester quelques jours à la maison, Alice ne le salut pas et se contente de dire: «C’est un clochard?». Ici, on peut rire de l’esprit vif de la jeune fille, mais en quoi le fait de juger quelqu’un sur son apparence rend l’anecdote drôle?

Le premier volet du Guide du Mauvais Père a été un véritable succès. Le deuxième tome n’est toutefois pas à la hauteur de nos attentes. Les personnages attachants et les discours insensés du père n’arrivent pas à balancer l’absence de rythme et les punchs moins réussis. 

Nous espérons seulement que ce tome pourra être mis de côté et permettre à Guy Delisle de proposer des romans graphiques toujours d’une aussi grande qualité, c’est-à-dire des récits poussant à la réflexion, mais aussi au rire.

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