«Le Grand Antonio» d’Élise Gravel

Élise Gravel est connue entre autres pour ses livres illustrés qui mettent en vedette des monstres, des bestioles et autres créatures. En page liminaire du Grand Antonio, on peut lire qu’elle «ne serait même pas capable de tirer une trottinette avec ses cheveux, mais est assez forte pour tenir un crayon». En effet, la force n’a parfois rien à voir avec l’énergie, et de l’énergie, Élise en a à revendre. Cette fille est une véritable dynamo sur deux pattes si l’on en juge par la profusion de sa production. Récompensée par le prix du Gouverneur général pour les dessins de La clé à molette en 2012, elle possède également un talent indéniable de raconteuse.

Pour rendre hommage à cet Obélix du bitume montréalais, Élise Gravel a délaissé le ton caustique et critique qu’elle adopte souvent. L’humour demeurant son canal de prédilection, elle a conservé un brin de folie absurde bien adaptée au lectorat jeunesse. En présentant aux enfants ce personnage hors normes comme un héros attendrissant, elle fait contrepoids aux images omniprésentes de perfection et de violence. Elle ramène aussi au présent un passé sur le point d’être oublié.

Si, pour l’adulte, le récit semble un peu trop bref, le texte concis sur chaque page a le mérite de la précision et de la densité. Comme Élise Gravel crée elle-même tout l’ensemble, texte et illustrations, la grande qualité formelle de ce livre est sans doute l’intégration du dessin et du lettrage graphique. Cela se fait parfois par un partage entre phylactères et narration, parfois par une transformation des mots en images. Le style graphique enfantin et coloré, souvent dépouillé, confère à l’histoire un aspect léger et joyeux, occultant la part sombre de la vie du lutteur.