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Crédit photo : L'Instant Même
Henri-Paul Chevrier, qui a créé et dirigé le programme Cinéma et communication au cégep de Saint-Laurent, ne fait pas un travail d’historien. Il présente, de son propre aveu, une histoire subjective du film d’auteur. Il identifie la naissance du cinéma de répertoire dans les années soixante avec l’arrivée de la Nouvelle vague, au moment où un certain cinéma est devenu une vision d’auteur, le véhicule d’une conception du monde. Au moment où le cinéma délaisse le réalisme de la représentation, le classicisme d’une histoire qui se raconte d’elle-même pour laisser place à un point de vue. Le cinéaste, dans cette perspective, est un créateur à part entière. Le cinéma moderne, intériorisé, dédramatisé ou déréalisé, côtoie à cette époque le réalisme sociologique des cinémas nationaux.
Les cinémas modernes, classiques et nationaux propres à chaque décennie, avec leurs spécificités, sont étudiés et comparés entre eux. Surtout, leurs continuités, leurs oppositions et leurs coexistences sont comprises et expliquées les unes par rapport aux autres, permettant ainsi de discerner un ensemble théorique qu’on appelle aujourd’hui «le cinéma de répertoire». La démarche d’Henri-Paul Chevrier nous parle inévitablement, puisqu’il cible le moment où s’opère la distinction entre cinéma d’auteur et de divertissement, distinction qui conditionne nos choix, notre culture et notre identité. Il allume en quelque sorte un projecteur qui éclaire ce que nous sommes en tant qu’amateurs de films, nous permettant de comprendre pourquoi nous préférons tel ou tel cinéma.
Si le cinéma des années soixante se veut affranchi de tout contexte sociopolitique avec des films sémantiquement autonomes, dont le thème de prédilection est avant tout le cinéma lui-même, il évoque aussi l’âge d’or des essais cinématographiques à petit budget, voyant par le fait même le nombre de cinéastes exploser. Des cinéastes comme Antonioni ou Buñuel font des films au scénario minimaliste, dénués d’histoire, l’exploration esthétique et le renouvellement demeurant au centre de leurs préoccupations. Les années soixante-dix marquent l’arrivée d’un cinéma social et plus politisé, qui côtoie le nouvel Hollywood grandiose de Lucas et Spielberg qui donnent vie à des personnages vidés de toute consistance historique. Suivra le cinéma postmoderne des années quatre-vingt et, depuis 1995, le cinéma minimaliste, ainsi que, nouvelle catégorie introduite par l’auteur, le cinéma réflexif.
La division de l’ouvrage s’avère un peu alambiquée. Suivant une chronologie, l’auteur passe d’une tendance à l’autre, puisque plusieurs cohabitent au cours d’une même époque. Heureusement, la présence de tableaux en introduction et de tableaux récapitulatifs à la fin de chaque section aide grandement à s’y retrouver. Chaque chapitre débute par une mise en contexte salutaire. L’ouvrage contient un index des réalisateurs et un index des films.
Henri-Paul Chevrier emploie des outils d’analyse sémiotique pour classifier les films. À la fois pédagogique et critique, il cherche à initier, à expliquer, à influencer et à éveiller. Il formule des inquiétudes quant à l’avenir du cinéma de répertoire, déplorant l’absence de réflexion, l’appauvrissement esthétique, l’indigence morale de plusieurs films contemporains qui ne font que copier ce qui a déjà été fait dans le passé, empreints de cynisme, desquels Cronenberg ou Almodovar se démarquent positivement. Par-delà la classification, on retrouve également une réflexion sur la place du cinéma d’auteur dans notre société.
Le cinéma de répertoire et ses mises en scène se conserve comme livre de référence, ou encore se lit d’un couvert à l’autre, tant sa lecture est fluide et le ton, accessible. Car l’auteur raconte avant tout une histoire, celle du cinéma. Une histoire prenante, une histoire culturelle. C’est un livre qui s’adresse tant au féru de cinéma érudit qu’au cinéphile du dimanche. Appuyé sur une base théorique solide, il trouve sa place aisément dans toute bibliothèque culturellement orientée. Idéal pour apprendre à reconnaître les styles et à classer les films, mais aussi leurs rapports les uns avec les autres.
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de la rédaction