LittératureRomans québécois
Crédit photo : Les Éditions de la Bagnole
Le baiser mauve de Vava
À Petit-Goâve, Haïti, le jeune Vieux Os est inquiet. Des soldats occupent les rues. Les villageois vivent reclus dans leurs maisons la nuit. Mais plus que tout, Vava souffre d’une grave fièvre qui la retient au lit. Seul un baiser mauve, lui confie sa grand-mère Da, pourrait la guérir et ramener au village espoir et papillons jaunes. Vieux Os en fera un devoir et traversera courageusement le village pour aller donner à Vava ce baiser salvateur.
Tandis que La fête des mots (2008) portait sur la mort et le deuil, puis Je suis fou de Vava (2013) sur l’amour, ce dernier tome introduit la question politique en survolant la réalité du régime autoritaire alors connu par Haïti. Car la dictature est une barrière, comme l’indique l’écrivain en exergue, et «le Monstre qui empêche un garçon de dix ans de visiter son amoureuse qui a la fièvre.»
En contrepartie, les illustrations très colorées de Frédéric Normandin habillent le propos d’un univers exotique et enfantin où cohabitent peuple, animaux et végétation. Ainsi, la poésie dans Le baiser de Vava se trouve davantage dans la forte signature de ces images que dans le court phrasé de Laferrière. Bien que la langue ne guide pas le récit, comme on aurait pu s’y attendre, le choix des mots est toujours d’une infinie justesse et catapulte les destinataires vers le terrain commun d’une terre étrangère. Courte lecture éducative et à portée philosophique.
L’odeur du café
Alors que Vava était fiévreuse dans Le baiser mauve de Vava, c’est plutôt Vieux Os qui en souffre dans L’odeur du café. L’album illustré est construit à la manière d’un lexique, dans lequel des éléments issus de l’enfance de Laferrière à Petit-Goâve sont suivis de courtes méditations poétiques. Par exemple, le concept de paradis: «Un jour, j’ai demandé à Da de m’expliquer le paradis. Elle m’a montré sa cafetière. C’est le café des Palmes que Da préfère, surtout à cause de son odeur. (…) Moi, l’odeur me donne des vertiges.»
On suit donc Vieux Os, miroir romancé de Laferrière enfant, se promener dans Petit-Goâve, où l’odeur du café est synonyme de paradis et de vertiges, et où le souvenir de la chaleur de sa grand-mère, de la démarche de son chien, des balades à vélo et des poussées de fièvre ont survécu à l’oubli.
Ce serait à tort d’affirmer que cette adaptation illustrée se destine uniquement aux plus petits, car L’odeur du café demeure universel dans son essence. Les courtes anecdotes de Laferrière nous ramènent à la poésie des choses simples de la vie, celles qui font que l’on devient ce quelqu’un chargé d’appartenances et de mémoires. Les illustrations de Francesc Rovira, aux couleurs moins vives et aux traits plus fins que celles de Normandin, apportent une belle sobriété au recueil. Par ailleurs, la prose de Laferrière rend palpables les préoccupations et mouvements de l’enfance, et nous transporte en Haïti au rythme de son monde intérieur. À lire en compagnie d’un enfant curieux, ou d’une bonne tasse de… café!
De plus, dans l’esprit de cette parution double, une version interactive du tome Je suis fou de Vava a été lancée en application iPad, dans laquelle la voix de Laferrière côtoient les illustrations de Normandin ainsi qu’une musique composée par Philippe Brault (disponible via le Apple Store).
L'avis
de la rédaction