LittératurePolars et romans policiers
Crédit photo : Éditons Alire
Michaël Walec, qui gagne son pain en enseignant la littérature et l’écriture en prison, n’est pourtant pas un écrivain raté. Mais s’il n’a encore rien publié de totalement abouti, il n’en est pas au bout de ses peines puisqu’il est persuadé qu’il a sa place, lui aussi, dans les salons du livre québécois, et qu’il a tout pour devenir la sensation du thriller noir. Sauf que ses scènes violentes sont si peu convaincantes que même sa blonde, Alexandra, qui n’est pas du tout dans ce milieu, n’est en rien impressionnée… Or, l’arrivée de Wanda Moreau dans sa vie, l’une des prisonnières auxquelles il enseigne au boulot, changera du tout au tout la vie de Michaël, pour le meilleur et pour le pire: car c’est elle qui deviendra sa muse, voire son alter ego pour la rédaction de ses futurs romans, tout en étant sa double voix intérieure, sa real partner. Cette alliance imprévisible et certes dangereuse sera-t-elle bénéfique pour l’écrivain en devenir, ou totalement empoisonnée?
«Cette obsession du succès est en train de pourrir notre milieu» – Lee-Ann
L’autre reflet s’avère un thriller fort efficace puisqu’il nous entraîne, en même temps que son protagoniste, dans les antres d’un enfer duquel il n’est pas possible d’en forcer les portes. Ceux qui sont à l’aise avec l’univers de Senécal y verront certainement une virée aussi intensément savoureuse qu’avec Hell.com, qui n’épargnait certes pas son personnage ni les nerfs de son lecteur d’ailleurs. Ce petit dernier y est d’autant plus intéressant que l’auteur, en plus d’exploiter une trame narrative fort efficace, en alternant entre le journal de Wanda Moreau et le présent de Michaël Walec (au fait, vous remarquez l’effet miroir avec les initiales «WM-MW»?) y va de plusieurs clins d’œil ironiques face à l’organisation des salons du livre (de même qu’à sa gang d’écrivains qu’il met en scène!), puis de ses réflexions autour de la paralittérature (et du sous-genre qu’est le polar) et de sa place parmi les best-sellers du moment.
Patrick Senécal aurait certainement pu se tirer une balle dans le pied en manifestant maladroitement sa rogne envers ces irritants de son métier, mais le tout est distillé assez habilement au fil des pages du récit, ce qui nous permet de réfléchir, nous aussi, à ces diverses petites claques qu’il envoie çà et là, tout en demeurant concentré sur ce qui nous intéresse: la quête du succès de Michaël Walec. Si vous avez eu la chance de voir et d’apprécier Un homme idéal avec Pierre Niney, soyez certain que vous vivrez la même montagne russe d’émotions lors de la chute de son «anti-héros».
«L’autre reflet» de Patrick Senécal, Éditions Alire, 431 pages, 29,95 $.
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