La trilogie «Fifty Shades» («Cinquante nuances») de E.L. James – Bible urbaine

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La trilogie «Fifty Shades» («Cinquante nuances») de E.L. James

La trilogie «Fifty Shades» («Cinquante nuances») de E.L. James

Quand la curiosité l'emporte sur le bon goût

Publié le 13 mai 2013 par Laurence Lebel

Crédit photo : JC Lattès

Les femmes qui n’en avaient que faire des romans Arlequin peuvent maintenant se tourner vers l’univers de l’auteure londonienne E.L. James, où elles seront servies avec une relation dominant-dominée, menottes, cravaches, cannes et fessées à n’en plus finir. «Cinquante nuances» est à ce jour considéré comme le nouveau mommy porn et, depuis sa parution, la trilogie érotico-thriller est devenue un véritable phénomène littéraire.

Le premier volet «Cinquante nuances de Grey» nous transporte dans la petite ville de Portland, où vit la toute délicate et naïve Anastasia Steele: un véritable rat de bibliothèque promu à un brillant avenir dans l’édition littéraire. À ses côtés, sa meilleure amie Kate et son bon ami José. Plus loin, à Seattle, vit le mystérieux et ténébreux Christian Grey. Un homme dans la mi-vingtaine qui a su bâtir un véritable empire autour des énergies renouvelables. Christian dégage un charisme déstabilisant et sait s’en servir pour assouvir ses pulsions. Les relations amoureuses ne sont pas pour lui. Il préfère de loin avoir auprès de lui une soumise, une fille qui se pliera à tous ses désirs les plus tordus.

Les chemins d’Anastasia et de Christian se croiseront, alors que cette dernière doit remplacer Kate, sa meilleure amie, qui est malade pour aller effectuer une entrevue pour le journal de l’école. Foudroyé par la beauté et l’innocence que dégage Ana, Christian fera tout ce qui est en son pouvoir pour la posséder et l’avoir à ses côtés comme soumise. De fil en aiguille, il réussira à établir le contact avec Ana. Celle-ci est, bien entendu, charmée par la beauté de Grey et craque rapidement pour lui. Viendra le jour où Christian lui proposera finalement de devenir sa soumise. Contrat qu’Ana refusera. Cependant, Christian est attiré par Ana et ne peut vivre sans elle. C’est la seule qui sait comment calmer ses tempêtes et pouvoir le confronter. Au fil des pages du tome un de «Cinquante nuances», Christian initie tout de même Ana à toutes sortes de sévices sexuels qui surprendront la jeune femme. Parfois violentes, parfois douces, parfois attisantes, toutes ces manipulations réveilleront en elle une déesse intérieure à la libido violente et à l’appétit sexuel redoutable.

La relation entre les deux tente à se complexifier alors que l’on débute le tome deux de la trilogie. Dans «Cinquante nuances de Grey», on apprenait à connaître les deux protagonistes et à les apprécier du mieux qu’on pouvait. Dans «Cinquante nuances plus sombres», on découvre un peu plus le côté tordu de Christian pour le sexe. Il devra inévitablement respecter les barrières et les limites d’Anastasia s’il ne veut pas qu’elle le quitte. Ce sera un énorme apprentissage pour les deux. Au fil des pages, on découvre aussi la famille de Christian: son père qui œuvre dans le droit et la justice, sa mère médecin, sa sœur et son frère. On apprend qu’il a d’ailleurs été adopté par les Grey vers l’âge de quatre ans, tout comme sa sœur Mia. Dans ce second tome, on apprend aussi d’où viennent les goûts étranges de Christian pour le sexe, comment il est devenu un dominateur sexuel et pourquoi il est si insécure et impulsif.

Dans le dernier tome, «Cinquante nuances plus claires», on allège un peu le propos et on découvre le côté plus doux et romantique de Grey, alors qu’Ana s’est émancipée et a pris beaucoup de maturité. Plusieurs évènements viendront chambouler la vie des Grey-Steele mais, au final, tout est bien qui finit bien.

E.L. James offre ici une trilogie qui plaira sans aucun doute aux femmes au foyer, à celles qui ont envie de s’échapper le temps de quelques pages, ou bien à celles pour qui la curiosité remporte sur tout. De prime abord, les trois romans de «Cinquante nuances» ne sont pas tellement sensationnels ou à couper le souffle. C’est une histoire bien banale, mettant en scène des personnages typiques, qui vivent des choses un peu trop hollywoodiennes. Les péripéties et les mises en scènes sont parfois tirées par les cheveux, et on se demande souvent où tout ça peut bien mener.

L’écriture est assez faible à plusieurs niveaux. Tout d’abord, il y a une énorme redondance sur le choix des adjectifs pour parler des sentiments et émotions que vit Ana. Après la moitié du premier tome, on a vite compris que, dès que Christian l’approche, elle est sans dessus-dessous et que ses genoux ramollissent. Certes, mais le problème est que l’auteure mise principalement sur ces mêmes émotions pendant trois livres, ce qui fait en sorte que le lecteur peut se mettre à lire en biais, car aucun nouvel élément n’est apporté. Même chose pour les traits de caractère de Christian Grey. Celui-ci est un homme impulsif, contrôlant, souvent de mauvais poil et passant d’une humeur à une autre en moins de temps qu’il ne faut pour crier «Géronimo». E.L. James aurait pu mieux exploiter ses deux personnages principaux, mais elle les a tellement stéréotypés qu’on en vient à trouver un brin nunuche la petite Anastasia et un peu trop macho le beau Christian.

Les champs lexicaux lors des ébats amoureux sont aussi très répétitifs. On peut compter à la pelletée des termes tels que «susurrer à l’oreille», «licher mon lobe d’oreille», «sa bouche qui me parcoure le corps», etc. L’idée et les mises en scènes des moments au lit ou dans la salle de jeux, soit le lieu où Christian se gâte avec ses soumises, sont rafraîchissantes au début et piquent notre curiosité, mais la répétition et la prévision des mots employés et des gestes effectués nous font rapidement tomber dans l’ennui.

Reste que tout ceci est en surface, car E.L. James a tout de même réussi à écrire une histoire avec des rebondissements et une petite intrigue qui nous comblera pour un moment. Bon, ce n’est rien d’impressionnant, mais quand même, c’est assez pour justifier le fait que l’on veut poursuivre notre lecture jusqu’à la fin du troisième tome. Sans une intrigue principale et tout le mystère qui entoure l’enfance de Christian, on aurait vite remisé le premier tome pour se concentrer sur autre chose de plus palpitant.

Il est aussi frappant de voir à quel point la distribution des personnages et quelques éléments de l’histoire sont calqués sur le phénomène Twilight. Dans les livres de Stephenie Meyer, une jeune fille innocente tombe en amour avec un vampire vieux d’une centaine d’années. Celui-ci l’initie au mariage, à la maternité, mais aussi au danger et à la mort. Le principe se répète dans «Cinquante nuances» à quelques différences près. Même les stéréotypes de la famille et des amis des deux personnages principaux se répètent. La sœur de Christian étant très proche d’Ana au même titre que Bella et Alice dans Twilight. De même que pour la relation ambiguë entre Jacob et Bella qui est assez semblable à celle d’Ana et de son meilleur ami José. Dans les deux histoires, c’est la belle et jeune fille innocente qui tombe entre les griffes du grand méchant loup ou une autre version moderne du conte «Le belle et la bête».

Au final, la curiosité l’emporte sur la raison et comme tous blockbusters ou magazines à potins, on sait que Cinquante nuances est vide de sens, mais on persiste parce qu’on espère être surpris en bout de ligne. Chose qui arrive, fort heureusement, à quelques moments, mais pas assez, malheureusement.

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