«La Trilogie coréenne» d’Ook Chung – Bible urbaine

LittératureRomans québécois

«La Trilogie coréenne» d’Ook Chung

«La Trilogie coréenne» d’Ook Chung

Un roman délicat et imprévisible

Publié le 21 janvier 2013 par Annie Lafrenière

Crédit photo : Les Éditions du Boréal

Impossible de parler de La Trilogie coréenne, troisième roman de l’auteur québécois d’origine coréenne Ook Chung, sans témoigner de l’éclectisme de l’œuvre, qui se veut un brillant assemblage de trois fragments autobiographiques. Un même narrateur, M. Jeong, personnage à la frontière du réel et du fictionnel, nous entraîne en trois lieux: le Japon, pays de naissance, le Canada, terre d’accueil, et la Corée, contrée d’origine. Chaque récit couvre un pan différent de l’histoire du narrateur, qui s’insère elle-même dans l’Histoire à la manière d’une poupée russe, et met en lumière un métissage (et un malaise) identitaire profond.

Sans être un roman d’amour au sens littéral, La Trilogie coréenne est certainement un roman sur l’amour. L’amour de la terre fraternelle; de la langue maternelle, puis celle d’adoption; l’amour de la famille et celui, tout aussi fort, des frères et sœur coréens; l’amour de la littérature, de Camus à Saint-Exupéry; l’amour, ou plutôt la passion indomptable pour les kimchi, ce mets traditionnel coréen, dont nous respirons constamment les effluves pimentées à l’intérieur du second volet, Kimchi.

L’œuvre d’Ook Chung se révèle également être un roman sur l’errance et l’incapacité à prendre racine en un lieu, à s’ancrer dans une identité. Citoyen du monde pourtant désireux de tisser des liens riches avec les autres solitudes qui l’entourent, M. Jeong semble déconnecté de tout, las et irrémédiablement seul. La parfaite illustration de son enfermement intérieur est bien cette curieuse phobie des portes: «J’ai toujours eu la phobie des portes. Ouvrir une porte, c’est accepter un échange, (…) accepter le risque de perdre un peu ou beaucoup de soi et la promesse de gagner quelque chose de nouveau (…). Ouvrir une porte, c’est parfois laisser entrer la Vie (…).»

Voilà donc un récit inhabituel que cette trilogie coréenne, tant par son fond que par sa forme, nous ouvrant à une littérature de tous les possibles. «Il fallait peut-être réapprendre à naître, recommencer presque à zéro.» Et la langue, pour reprendre les termes d’Hugo dans sa préface de Cromwell, elle se veut «exacte comme l’algèbre, colorée comme la poésie», et j’ajouterais imperturbable, comme un long fleuve tranquille, comme cette humanité qu’il nous faille préserver et que personne ne peut nous ravir, «même sous la torture et les excoriations».

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