«La tête de l’emploi» de David Foenkinos

Banquier de profession depuis 30 ans, marié et père d’une fille unique, Bernard semble s’être toujours complu dans le confort et la sécurité affective de sa stabilité. Jusqu’au jour où sa fille Alice décide de partir en stage au Brésil, et vient par son départ ouvrir une brèche dans l’équilibre statique de sa vie. À partir de là, l’existence de Bernard flanche: sa femme demande le divorce, il perd son emploi à la banque et se voit ainsi forcé de retourner vivre temporairement chez ses parents, dans sa chambre d’adolescent demeurée intacte. Cette succession d’échecs douloureux le force alors à rejouer la mythologie de son passé – celle de son passage de l’enfance à l’âge adulte – pour enfin (re)devenir un homme.

Le roman est divisé en trois parties, marquant respectivement la régression, la léthargie du désespoir et la renaissance. En ce sens, l’intrigue repose principalement sur la progression et l’ambiguïté des états d’âme de Bernard, et ce à travers ses constats parfois sombres sur son passé, ses choix de vie et ses non-dits. Bernard incarne l’antihéros contemporain par excellence, et sa personnalité dépouillée porte sa crise existentielle à un niveau très accessible, voire universel. Les membres de son entourage, bien qu’un peu caricaturaux en première partie, amènent quant à eux du mouvement et de l’humanité au récit par leurs maladresses et leurs confidences parfois surprenantes.

C’est surtout grâce à son sens de l’humour vif et satirique que l’écrivain arrive à donner une voix distincte à son narrateur. Bien que son écriture semble épurée et simple aux premiers abords, Foenkinos réussit à traiter d’un sujet sombre sans tomber dans les clichés, tout en nous arrachant des rires sincères au détour. L’écrivain consolide dans La tête de l’emploi plusieurs de ses «obsessions littéraires», et mise beaucoup sur l’autoréférentialité en intégrant plusieurs éléments et thèmes qui sont présents dans ses livres précédents. De plus, son écriture est construite de manière circulaire: chaque détail a sa raison d’être et revient à la manière d’un clin d’œil au fil du récit pour marquer l’évolution des personnages. Le style bien propre à Foenkinos est assurément ce qui nous donne envie de suivre jusqu’au bout les péripéties de Bernard; mais c’est aussi ce qui, dans La tête de l’emploi du moins, nous laisse un arrière-goût de déjà-vu si l’on est moindrement familier avec les œuvres de l’écrivain.

Au final, La tête de l’emploi parle de clous sans nous en faire cogner et se conclut sur une scène qui ne peut que faire sourire.