LittératureRomans québécois
L’amour, c’est beau, mais lorsqu’il disparaît il peut laisser un trou béant à l’intérieur. Comment s’en sortir sans trop de difficulté? Comment retrouver le bonheur sans néanmoins oublier ce qui s’est passé? La mémoire peut être notre meilleur allié lorsqu’il est temps d’y graver de beaux souvenirs, mais elle peut aussi être notre plus grande ennemie lorsque l’amour prend ses pieds à son cou. Avec La tendresse attendra, Matthieu Simard a mis sur papier ce que plusieurs cœurs esseulés auraient envie de crier.
Ce sixième écrit de Simard, incluant la collection Pavel, relate la post-séparation d’un jeune auteur dans la trentaine qui a peine à se relever après que son ex-copine l’ait laissé. Lui laissant tout, il doit se retrouver un nouveau logis, de nouveaux amis, bref, se construire une nouvelle vie. Mais, s’il change du tout au tout, c’est-à-dire en abandonnant sa carrière d’auteur, il pourra peut-être la reconquérir. C’est pourquoi il se tourne vers la plomberie et débute une nouvelle «carrière». Bien vite, il se rendra compte que la compagnie pour laquelle il travaille n’est pas du tout ce qu’elle prétend être. En parallèle, son seul et unique ami Éric tente en vain de lui remonter le moral et de le ramener à la vie.
La tendresse attendra est l’un de ces romans qu’on se réjouit de découvrir et l’émotion qui découle de sa lecture est tout à fait prenante. Il est d’ailleurs facile d’envier les autres qui, à leurs tours, découvriront cette perle rare de la littérature québécoise. Simard nous avait habitués à des romans empreints de masculinité et de personnages machos sans aucune délicatesse. Cependant, avec ce nouveau roman, le lecteur se retrouve dans un tout autre registre.
Magnifique est le premier mot qui nous vient à l’esprit lors de la lecture. La plume de Simard est brillante, voire elle se laisse lire sans aucune difficulté. L’auteur trouve le moyen de nous faire ressentir les émotions les plus sombres avec des mots simples. Rares sont les fois où il est possible de lire un livre qui nous donne la chair de poule à plusieurs passages. La tendresse attendra est une œuvre délicate, belle, touchante, émouvante, mais d’une noirceur effarante.
Ce qui séduit, d’emblée, est l’impersonnalité du personnage. Le protagoniste n’a pas de nom et on ne connaît de lui que très peu de choses. Le roman évolue uniquement autour de ce dernier et de sa difficulté de passer au travers de sa séparation. Cela permet au lecteur de plonger en profondeur dans sa relation. Au fil des pages, par l’usage d’un narrateur omniscient, on évolue avec le personnage et on encaisse avec lui les souvenirs les plus poignants et les moments les plus bouleversants de son existence. De plus, l’écriture à la première personne du singulier permet au lecteur de se laisser emporter un peu et de se mettre plus facilement à place du personnage. Le même procédé est utilisé pour représenter la copine du protagoniste. Comme lui, on ne lui connaît aucune information précise et l’auteur utilise continuellement la deuxième personne du singulier pour parler d’elle. La transposition peut donc aussi se faire très facilement pour le lecteur.
La tendresse attendra de Simard plaira aux fervents de la littérature québécoise contemporaine. Dans la même lignée que Stéphane Dompierre et Guillaume Vigneault, l’auteur traite de la place de l’homme trentenaire dans la société, de ses crises existentielles, de ses remises en questions et de ses soucis. Il nous parle aussi d’amour, de relations humaines et de gestions des émotions. Encore une fois, le portrait établi de l’homme dit «moderne» nous démontre que malgré la façade masculine, celui-ci peut être perdu et en quête de points de repères à plusieurs moments dans sa vie.
Finalement, La tendresse attendra va droit au cœur avec son dénouement qui nous laisse bouche bée. Un roman à lire et à relire tout simplement pour la beauté des mots, des émotions décrites, et pour les citations qu’on aimerait réécrire quelque part. En somme, un roman parfait.
Appréciation: *****
Crédit photo: Éditions Stanké
Écrit par: Laurence Lebel