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Crédit photo : Alto
Dans une écriture simple et extrêmement descriptive, ce roman sordide explore de belle façon les bouleversements liés à la reconstruction d’après-guerre. Il réussit à faire ressentir au lecteur toute la détresse des viennois dans un monde déchiré et sans repères.
Le roman s’amorce avec le retour à Vienne des deux personnages principaux. Robert Seidel, fils adoptif d’un riche industriel viennois, et Anna Beer, exilée depuis neuf ans à Paris. Lui, revient en train de Suisse après cinq années d’études pour voir son beau-père, victime d’une chute mystérieuse. Elle, vient retrouver son mari récemment libéré d’un camp de travail russe. Le spectre du meurtre plane rapidement au-dessus des deux affaires qui finiront par se croiser dans un hasard aussi étrange qu’inattendu. S’en suivent un procès, des enquêtes tortueuses, des mensonges et des manipulations, dans un décor gothique en ruine.
L’action principale n’étant pas suffisante, l’auteur nous entraîne également dans les histoires personnelles d’une foule de personnages, révélant des destins empreints de tristesse et de beauté dans une Vienne sclérosée par les horreurs de la guerre et de l’homme. Parmi ceux-ci, l’histoire insolite de la curieuse servante des Seidel, Eva, une bossue dont le passé et le présent servent de pont entre l’histoire de Robert Seidel et d’Anna Beer.
Il faut être préparé à un long voyage au cœur du quotidien viennois lorsqu’on amorce la lecture du dernier roman de Vyleta. L’auteur, docteur en histoire, s’en donne à cœur joie pendant près de sept-cent pages. Dans un style rappelant à la fois Balzac, pour la lourdeur descriptive de l’environnement narratif, et Dickens, pour les histoires croisées, ce livre est le témoin d’une époque où les malheurs s’accompagnent de secrets enfouis. Ici, le passé nourrit l’espoir, mais aussi la haine et l’ambition. À travers des souvenirs flous et dans une structure parfois décousue et assumée, l’auteur nous emmène dans le quotidien casse-tête de personnages aux caractères fort différents, dévoilant ainsi la complexité d’une vie entourée de criminels, d’innocents et de fous.
Sans être un incontournable de la littérature historique, le troisième roman de Vyleta se distingue d’autres intrigues bourrées de clichés et de légèretés superflues comme c’est le cas avec La trilogie berlinoise de Philip Kerr, et se rapproche vaguement du style d’un Paul Auster avec la Trilogie new-yorkaise. Roman historique, roman de mœurs, roman policier. La servante aux corneilles est tout cela à la fois. Inclassable, il rappelle que rien n’est jamais tout à fait simple. Surtout pas la guerre.
La servante aux corneilles, de Dan Vyleta, Éditions Alto, 704 pages, 29,95 $.
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