LittératureLa petite anecdote de
Crédit photo : Pierre Luc Landreville
Il y a quelques années, j’ai acheté un cours de voile dans le bas du fleuve. Je voulais tester mes capacités dans cet estuaire à quatre degrés où les paquebots avancent en plein brouillard, voir des baleines et rencontrer mon propre courage.
Or, quand j’ai affirmé que je rêvais de naviguer en solitaire, le skipper m’a regardée de haut; il considérait que la mer appartenait aux hommes. La semaine a été longue.
Un soir, alors que les vents étaient durs, nous sommes entrés dans la baie de Mont-Louis. En nous approchant, nous avons constaté qu’il faudrait, faute de place, nous amarrer à l’épaule d’un bateau de pêche commerciale. J’avoue avoir eu une petite frayeur, mais tout s’est bien déroulé. Je suis montée sur le chalutier et j’ai rapidement effectué la manœuvre.
Puisque le navire était désert, j’en ai profité, toute en joie, pour faire quelques pas de danse. Mais mon skipper m’a vite ramenée à l’ordre: «L’extension!» Obéissante, j’ai attrapé le fil électrique et suis montée le brancher à une cabine installée sur le quai.
C’est là qu’un homme, les mains dans les poches, est arrivé.
— C’est à toi, le voilier?
— C’est un bateau-école.
— Ah. T’aimes ça?
— Beaucoup. Mais notre radio capte pas la météo. Est-ce que…
Mon skipper m’a coupée: «Le disjoncteur a sauté. Trouve de l’électricité!» Il est retourné dans le voilier.
L’inconnu m’a regardée.
— C’est qui, lui?
— C’est mon capitaine.
— Pis tu montes à son bord?
Je n’ai pas su quoi répondre.
— Savez-vous comment je pourrais réactiver le disjoncteur?
L’homme m’a indiqué le chalutier.
— Branche-toi là, la génératrice roule.
— Je peux pas faire ça!
— Oui, tu peux. L’Alberto, c’est mon bateau. Pis je vais t’imprimer la météo.
Je suis restée sans voix. Il m’a envoyé un fabuleux sourire en coin.
—Moi, quand une femme danse à mon bord, je peux rien lui refuser!
J’ai explosé de rire. Je venais de rencontrer O’Neil Poirier, un de ces personnages qui donnent du sel à la mer.