LittératurePolars et romans policiers
Crédit photo : Actes Sud
Enriqueta Martí i Ripollès, née en 1868, était une tueuse en série d’origine catalanaise, ravisseuse et proxénète d’enfants de surcroît, qui a été active pendant près de deux décennies. À l’aube, Enriqueta Martí enfilait ses haillons de mendiante, réclamant la charité aux bonnes gens du peuple, alors que la nuit tombée elle pratiquait la sorcellerie, recluse, et prostituait des enfants en bas âge qu’elle avait kidnappés, tantôt les violentant, allant même jusqu’à les tuer ou les manger selon ses envies.
Dans La mauvaise femme, c’est l’inspecteur Moisès Corvo, un grand aimant de romans policiers et surnommé, à juste titre, Tobias Lestrade, Buffalo Bill ou Sherlock Holmes, qui enquête, impulsivement, dans les rues crades et infestées de rats de Barcelone à la recherche d’indices pouvant mener à l’assassin.
Hélas!, en 1911, la police criminelle et les docteurs, de récents disciples de la psychanalyse de Freud, n’ont pas les mêmes croyances qu’aujourd’hui. À l’époque où vivait Enriqueta Martí, la croyance populaire voulait qu’un vampire, un monstre, un démon, voire un ogre ait commis ces crimes d’une atrocité sans borne. Mais est-ce vraiment le cas? Sommes-nous réellement plongés dans une histoire fantastique de vampires à la Bram Stoker?
Marc Pastor, à l’instar de Ryan David Jahn avec son roman De bons voisins, explore une facette de l’histoire, bref, un fait divers ayant terni l’histoire de l’Espagne tel un voile maléfique. Sur fond de trafic de prostitution infantile organisé, dont la complexité du réseau mènera l’inspecteur Moisès Corvo à rencontrer les pires scélérats de la société barcelonaise, flotte une Ombre, celle d’un esprit errant. C’est la Faucheuse elle-même qui raconte l’histoire et, d’ailleurs, qui de mieux placée que la Mort pour nous raconter une histoire en tant que narrateur omniscient?
Sur ce point, donc, Marc Pastor innove au niveau du style narratif, dont la subtilité fantastique offre un réel amusement tout au long de notre lecture. Autrement, le récit se dévore à petites doses parce que pas toujours enivrant, faute d’un suspense bien distillé, mais La mauvaise femme, qui a néanmoins valu à l’auteur l’obtention du prix Crims de Tinta, demeure un livre cruellement délicieux.
Un roman noir, somme toute, qui plaira davantage aux amoureux de la littérature d’horreur, particulièrement à ceux qui ont dévoré Dracula de Bram Stoker ou Claustria de Régis Jauffret.
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de la rédaction