LittératureRomans québécois
«La géométrie des ombres» de Jean-Pierre Issenhuth
Le Thoreau de Laval-Ouest
Crédit photo : Les Éditions du Boréal
Mort en 2011, Jean-Pierre Issenhuth, alsacien d’origine, établi au Québec alors que les Français ne songeaient pas encore à leur «cabane au Canada», a travaillé comme enseignant dans un milieu populaire. Membre fondateur de la revue Liberté, il n’a pas fréquenté les cercles littéraires, et a préféré à la vie mondaine une vie d’ermite, mais celle d’un ermite à l’esprit profondément social, et résolument lecteur. Les lectures d’Issenhuth, dont sont parsemés tous ses carnets, témoignent de cet isolement qui est en même temps une présence au monde : loin des modes et des courants, ses références livresques sont uniques et variées, et se déclinent tout naturellement au rythme du promeneur: «La lecture ressemble aux promenades. Un livre est un lieu, j’y avance comme sur un chemin».
Des traités d’astrophysique, des ouvrages sur la composition des sols, des livres de biologie, des œuvres philosophiques, il parvient à tirer une même poésie qui tend à l’universalité. Avec La géométrie des ombres, la collection «Liberté grande» dirigée par Robert Lévesque chez Boréal, fait paraître les derniers carnets de l’écrivain. Issenhuth incarne parfaitement à lui seule la forme libre du carnet. De la curiosité la plus hétéroclite aux méditations philosophiques et mystiques, son écriture nous fait pénétrer, non sans pudeur, dans les occupations d’un esprit exceptionnel d’humilité et de sagesse.
Les carnets d’Issenhuth sont le parfait exemple du pouvoir universel que peut avoir l’écriture de l’intime lorsqu’elle n’est pas dirigée vers un moi stérile mais vers le terreau plus fertile et sans cesse labouré qu’est l’expérience de la vie. Jean-Pierre Issenhuth, injustement méconnu, nous laisse un magnifique autoportrait du poète en jardinier-bricoleur, dans une œuvre où l’articulation entre le terrestre et le cosmique, entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, est propre à élever l’âme.
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