LittératureRomans québécois
Crédit photo : Éditions Alto
80 ans après la construction du lieu central de l’action, dans le sous-sol de cette maison à l’apparence de banque, un endroit que l’on apprendra à connaître, un cadavre est découvert, une brique enfoncée dans la bouche et une pièce de monnaie bien en main. Une amorce intrigante qui replongera le lecteur dans l’histoire de ce lieu aux fondations viciées par l’avarice de son idéateur.
Retour dans le temps. En 1954, la famille de Louis-Dollard Delorme et sa femme Estelle jouissent d’un héritage paternel particulier. Ils règnent chichement sur un domaine au cœur de l’Enclave, cité modèle imaginée par la Canadian Northern Railway au début du XXe siècle, maintenant connue sous le nom de Ville Mont-Royal. Un endroit de richesse et de mystères, bâti sur des valeurs douteuses.
Dans cet univers insolite, la maison-personnage devient le témoin subjectif des actions d’une famille ayant comme credo l’accumulation éhontée de capitaux. Et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Instruits à la dévotion inconditionnelle envers le signe de piastre, les membres de la famille Delorme volent, trichent, mentent et jouent sans gêne les Séraphin Poudrier. Même si cela implique de faire de du mal aux membres de leur propre famille.
Un jeu quotidien bientôt perturbé par la venue d’une jeune femme énigmatique du nom de Penelope Sterling, future locataire des Delorme. Une fille rendue attrayante grâce à la fortune qui l’accompagne. Un joli pactole gagné suite à la vente populaire d’un jeu de société dont elle est la créatrice. Il n’en faut pas plus pour que madame Louis-Dollard, la mère Delorme, y voit le parfait parti pour son fils Vincent. Un parti d’autant plus intéressant qu’il vient avec un dote de qualité. Mais Penelope a un plan différent. La lutte boursière s’annonce inévitable entre les Dollard et la Sterling.
De son propre aveu, l’auteure de Maleficium (Alto, 2009) aime bien provoquer le lecteur. C’est chose réussie dès lors qu’elle repousse aux limites de l’acceptable les traits de caractères de certains de ses personnages, lesquels elle ne ménage pas non plus dans le destin qui les attend.
Roman aux accents gothiques, avec de nombreuses tonalités burlesques, La chambre verte puise dans l’un des péchés originels les plus dégoûtants et si chers nos valeurs historico-religieuses de société fondée sur le catholicisme. D’où la curiosité qui en résulte et qui nous empêche de cesser la lecture. Une écriture intelligente, qui pousse en de rares occasions la métaphore un peu trop loin, mais qui jamais ne devient ronflante.
On lit ce roman avec plaisir, on (re)découvre un quartier, on s’y voit (ou non) et on ri du destin des malheureux. Martine Desjardins provoque des réactions dont on n’a pas l’habitude et se moque des travers humains d’une des façons les plus habiles qui soit: par l’humour. À lire et à relire!
«La chambre verte» de Martine Desjardins, Éditions Alto, 256 pages, 24,95 $.
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de la rédaction