LittératurePoésie et essais
Lorsqu’on pense à l’histoire du Nouveau-Brunswick, on revient souvent aux images du Grand Dérangement, sans nous questionner sur le peuplement et le développement de ce territoire avant la guerre de Sept Ans (1756-1763). Déjà auteur d’un ouvrage sur l’histoire de l’Acadie, publié en 2001, l’historien Nicolas Landry revient avec une histoire détaillée du nord-est du Nouveau-Brunswick à l’époque du régime français. Une histoire qui fait intervenir plusieurs acteurs amérindiens et européens de façon à nous faire voir l’histoire de ce territoire sous un nouvel éclairage.
Parution intrigante et fascinante de la part de Septentrion, La Cadie, frontière du Canada: Micmacs et Euro-Canadiens au Nord-Est du Nouveau-Brunswick, 1620-1850 se révèle être une étude historique minutieuse et novatrice, ne serait-ce que par la précision du sujet, somme toute méconnu même chez les amateurs d’histoire. Un ouvrage qui a incontestablement représenté un défi du point de vue de la recherche, mais aussi du point de vue de la construction du récit, de façon à le rendre intéressant et surtout intelligible.
Le résultat est une fresque historique originale, qui nous amène aux confins d’un territoire qui a été un carrefour d’échanges sociaux, culturels, politiques et économiques du 17e au 19e siècle. Une zone géographique située au-delà de ce qu’on appelle l’Acadie coloniale et qu’on pourrait qualifier d’Acadie continentale. Cette géographie particulière, territoire au départ habité par les Micmacs, fait l’objet d’un premier chapitre qui cherche à bien nous situer du point de vue du territoire, mais aussi de son habitation avant l’arrivée des premiers Européens, au départ des missionnaires. Fait intéressant, l’auteur consacre ensuite son deuxième chapitre au mode de vie des Micmacs de cette région, nous permettant de mieux comprendre les relations d’échanges commerciaux et parallèlement culturels qui naîtront par la suite du contact avec les Européens qui viendront s’installer graduellement sur ces terres.
Dans un deuxième temps, l’historien nous confronte ensuite à la réalité coloniale, de même qu’aux conflits inhérents à l’établissement de colons français et britanniques, qui viendront à s’affronter dans une série de conflits, notamment dans le contexte de la guerre de Sept Ans dans la deuxième moitié du 18e siècle. L’originalité tient ici dans cette volonté de ne pas s’attarder uniquement au conflit du point de vue européen, mais aussi du point de vue des Micmacs, qui vivront des changements brutaux dans cette époque de transition politique, culturelle et économique. Des changements que pourrons suivre jusqu’aux conséquences de la création des réserves.
Le résultat est un ouvrage de grande qualité qui apporte réellement des éléments historiques nouveaux et qui nous permet de voir une micro-histoire d’un territoire canadien notamment du point de vue amérindien. Une telle étude a certes nécessité de retourner dans les sources d’époque déjà connues comme Les Relations des Jésuites, mais aussi un minutieux travail d’archives, qui se voit au gré des annotations nombreuses et détaillées en bas de page. Un ouvrage écrit dans un langage accessible néanmoins, qui peut donc être lu et compris par tout amateur d’histoire de l’Amérique du Nord et plus particulièrement par les amants de l’histoire amérindienne, encore si peu écrite, hélas.
Appréciation: ****
Crédit photo: Éditions Septentrion
Écrit par: Evelyne Ferron