«La mort de Staline, tome 2: Funérailles» de Fabien Nury et Thierry Robin – Bible urbaine

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«La mort de Staline, tome 2: Funérailles» de Fabien Nury et Thierry Robin

«La mort de Staline, tome 2: Funérailles» de Fabien Nury et Thierry Robin

Terreur, complots et trahisons

Publié le 2 août 2012 par Julie Racine

Crédit photo : Dargaud

Il est légitime d’éprouver une certaine appréhension en ouvrant le second tome d’une bande dessinée dans laquelle le héros, en l’occurrence Joseph Vissarionovitch Djougachvili, connu sous le nom de Staline, est déjà mort. En effet le premier tome, intitulé Agonie, racontait les derniers moments du dictateur, vécus par son entourage dans un mélange de terreur et d’espoir. Ce second et dernier de la série, intitulé Funérailles, relate la lutte impitoyable pour le pouvoir que se sont livrée les successeurs de Staline, laissant le monde entier dans l’incertitude et l’U.R.S.S. dans le chaos.

Cette série en deux volumes débute par un avertissement: «Bien qu’étant inspirée de faits réels, cette histoire n’en demeure pas moins une fiction, librement construite d’après une documentation parcellaire, parfois partiale et souvent contradictoire…» Il s’agit donc d’une interprétation qui ne prétend pas apporter de réponse au mystère qu’est la mort nébuleuse de Staline, trop de documents ayant disparu, mais qui s’applique à déployer une possibilité ontologique de l’Histoire, pour le plus grand plaisir du lecteur. Si la thèse du meurtre a toujours flotté, les auteurs, Fabien Nury et Tierry Robin, ont opté pour l’hypothèse la plus crédible à l’heure actuelle, soit celle de l’AVC et de la panique qui s’ensuivit.

Rappelons les grandes lignes du premier tome: Staline, victime d’un AVC, est en train d’agoniser, seul dans sa chambre. Or personne n’ose entrer, puisque chaque geste, chaque décision, est susceptible de mener droit au Goulag ou à l’exécution. Échouer à guérir Staline peut éveiller des soupçons de la part du parti, exposant au risque d’être purgé. Le choix du médecin est, il va sans dire, crucial. En revanche, plusieurs sont terrorisés par cet homme craint de tous et souhaitent silencieusement sa mort, tout en continuant d’afficher une feinte dévotion. Et il y a ceux qui souhaitent s’emparer du pouvoir. Pris d’ambivalence entre terreur et culte, dans les coulisses Béria, Nikita Khrouchtchev et les autres préparent la succession du «père des peuples», et tardent à appeler des secours…

Ce premier tome, en plus de rendre efficacement une tension palpable, avait la force de nous montrer un Staline vulnérable, sur le seuil de la mort, diminué par la souffrance et abandonné de tous. Le lecteur se trouve dépaysé par la réalité charnelle de l’homme d’acier, par cette fragilité émanant de ce dictateur à l’origine des Grandes Purges de 1936-37. Malgré cela, l’emprise et l’immense pouvoir du responsable de l’exécution de millions d’opposants ne sont pas éclipsés. On nous présente un homme dans sa détresse physique, certes, mais un homme puissant.

Dans ce deuxième tome, Malenkov et Beria forment une alliance pour prendre le contrôle du parti communiste à la dérive. Dans ce climat d’assassinats et de malversations, nous assistons au partage du pouvoir, qui se joue autour d’une table lors des réunions du Politiburo. L’intrigue débute avec la trahison de Staline par Beria suite à sa mort, par ailleurs salutaire pour lui puisque Staline, le jugeant trop encombrant, planifiait son exécution avant son décès. Beria se chargera de détruire les preuves amassées par Staline contre lui, puis récupérera ce qu’il trouve incriminant sur ses collaborateurs, pour s’assurer le contrôle.

Tandis que des milliers de Russes se dirigent vers Moscou, dans la violence et le chaos, pour assister aux funérailles organisées par Khrouchtchev, les enfants de Staline sont conviés à une répétition des funérailles, fastes et ostentatoires. Par la suite, Khrouchtchev s’alliera à Malenkov et Molotov pour se débarrasser de Beria, qui sera arrêté lors d’une réunion du Politiburo puis exécuté sommairement, et planifier l’élimination des cadres dirigeants du ministère de l’intérieur et du NKVD. Ensuite, la lutte se jouera entre Khrouchtchev et Malenkov. Le premier, l’Histoire en témoigne, en sortira vainqueur.

Le second tome de cette bande dessinée nous décrit un véritable suspense politique mettant en vedettes les vautours qui gravitaient autour de Staline, s’adonnant à des marchandages cruels. De son cercueil, Staline continue d’influencer les faits et gestes de chacun, déterminant le cours de cet épisode de l’histoire soviétique en train de se jouer. Le lecteur est tout de suite happé par cette succession de complots régis par les coups bas et les dénonciations. Le dessin est magnifique et froid; le trait, dur, est appuyé par les contrastes forts. Il ne faut surtout pas se laisser décourager par l’abondance de noms russes qui ralentit, au départ, la distinction entre les personnages. Car si les noms en «ov» tendent à se ressembler, le dessin confère à chacun ses traits distinctifs, pour en faire des personnages forts. Beria le sanguinaire, Khrouchtchev l’ambitieux, Molotov le quasi sympathique et Malenkov le  pragmatique gagneront vite leur individualité grâce au dessinateur Thierry Robin.

Le scénario précis de Fabien Nury réveille des questions auxquelles l’Histoire n’a pas su répondre. Il fait naître un intérêt envers la vie de tous ces personnages, dont Nikita Khrouchtchev et Lavrenti Pavlovitch Beria, et envers cette période particulière de l’Histoire de l’union soviétique. Incontournable pour les amateurs d’Histoire, de politique et de complots.

Longue vie à «La mort de Staline»!

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