LittératureRomans québécois
Né à Saint-Gédéon-de-Beauce en 1937, Jacques Poulin, suite à la publication de ses romans à succès Volkswagen Blues et Grandes marées, est devenu un grand pilier de la littérature québécoise contemporaine. Récemment, l’auteur de 74 ans terminait l’écriture de L’homme de la Saskatchewan, son treizième roman, disponible en librairie depuis le 28 septembre.
«La cassette s’arrêta. J’avais noté un grand nombre de détails, mais il y avait deux problèmes que j’étais incapable de résoudre pour l’instant. Comment rendre compte de l’énergie que je sentais dans la voix du joueur de hockey? Et comment faire en sorte que le récit du gardien de but suscite de l’intérêt chez le lecteur?»
Francis Waterman, «lecteur sur demande», est mandaté par son frère cadet Jack pour écrire la biographie d’un jeune gardien de but nommé Isidore Dumont. Ce dernier, natif du village de Batoche, en Saskatchewan, semble vouloir déterrer les fantômes du passé et révéler au grand public les motifs entourant la perte de ses ancêtres dans les bras de l’armée anglaise, et ce, à l’époque de Louis Riel. Francis se retrouve donc, au grand soulagement de Jack, avec une enregistreuse et une pile de cassettes remplie des témoignages du joueur de hockey. Loin d’être un écrivain, Francis devra donc aiguiser sa plume et tenter d’écrire sa première biographie à l’aide des précieux enseignements du défunt Ernest Hemingway. Afin de l’aider dans son travail de rédaction, Jack va lui permettre de faire la rencontre de la Grande Sauterelle, une Métisse aussi belle qu’une fleur en floraison, aux jambes si longues et délicates qu’il est à se demander si, oui ou non, elle va réellement être d’une grande aide pour «l’écrivain fantôme». Francis sera-t-il en mesure de terminer son contrat avant de tomber sous le charme fou de la charmante métisse?
Volkswagen Blues, 27 ans plus tard
L’homme de la Saskatchewan est en quelque sorte la suite du roman d’aventures Volkswagen Blues, paru en 1984. En effet, Volkswagen Blues raconte le périple de Jack Waterman, un homme mûr et déterminé, lequel est parti sur les routes de l’Amérique à la recherche de son frère Théo, duquel il est resté sans nouvelle depuis vingt ans. Lors de son expédition, Jack fait la rencontre de la Grande Sauterelle, qui l’aidera à retrouver les siens en parcourant patiemment les routes du Québec, de la Gaspésie jusqu’à l’Océan Pacifique.
Ce treizième roman demeure en tous points fidèle au style limpide et simpliste de l’auteur, un peu comme si Jacques Poulin n’osait pas franchir la frontière de l’inconnu. Comme la majorité de ses personnages d’hier à aujourd’hui, Francis, Jack, Pitsémine, Marine et Limoilou sont, comme les autres, des lecteurs, des écrivains, des traducteurs ou de grands connaisseurs des lettres québécoises et américaines. À la manière de Jack Kerouac et de son roman phrase Sur la route, les thèmes chers à Jacques Poulin, le voyage, le nomadisme, l’indépendance et la littérature sur le pouce reviennent inlassablement, comme de vieux boomerangs lancés haut dans le ciel, jadis.
Avec L’homme de la Saskatchewan, Jacques Poulin nous offre encore une fois un récit solide, intelligent, historique et ludique mais, décidément, l’écrivain se complait dans ses bonnes vieilles habitudes. L’homme de la Saskatchewan n’est pas le genre d’histoire à être racontée, un soir d’été, autour d’un feu de camp entre amis. A priori, plusieurs lecteurs auraient même jeté le livre aux oubliettes, si ce n’est du grand style littéraire de l’auteur. En effet, Jacques Poulin sait comment raconter une histoire et comment manier la langue française, de sorte que ses récits, aussi pénibles soient-ils, deviennent à coup sûr de grands romans.
Au final, l’amateur du Cœur de la baleine bleue (1970), du Vieux chagrin (1989), de La traduction est une histoire d’amour (2006) et surtout de Volkswagen Blues (1984) appréciera sans aucun doute le fait d’arpenter à nouveau les routes québécoises et canadiennes en compagnie des frères Waterman et des belles et grandes cuisses de la Grande Sauterelle au volant de sa vieille Volks bien rouillée. L’homme de la Saskatchewan, un court roman à lire un après-midi en solitaire, la tête reposée, avec l’envie folle de s’évader.
Appréciation générale: ***
Crédit photo: Leméac Éditeur
Écrit par: Éric Dumais