LittératurePolars et romans policiers
Crédit photo : Albin Michel
Avec un quatrième de couverture qui vante l’ambiance foraine d’un parc d’attractions où des clowns effrayants foutent les jetons aux enfants, on remarque vite, après coup, que la tension installée par Stephen King est à un tout autre niveau. Car à Joyland, il n’y a pas de clowns, ni de Ça!, seulement des employés et des Hollywood Girls qui tentent tant bien que mal de faire leur boulot et de répandre le bonheur autour de soi. Toutefois, une tache au tableau persiste, et c’est là que l’auteur a tracé sa ligne de flou: plusieurs racontent que la jeune Linda Gray aurait été sauvagement assassinée à coups de rasoir par son petit ami à bord du train fantôme, alors que celui-ci, une fois l’acte accompli, aurait balancé son corps dans le décor, jetant une de ses chemises un peu plus loin, avant de terminer sa ride dans la Maison de l’Horreur entre des apparitions de fantômes et de squelettes cartonnés comme si rien ne lui était arrivé.
Or, Devin Jones est un petit perspicace et, peu de temps après s’être familiarisé avec les environs et avoir occuper ses fonctions à Joyland, il va se mettre à poser des questions au personnel et à Erin et Tom, ses nouveaux amis, et à consulter les archives de la bibliothèque municipale pour tenter de faire la lumière sur le cas de la défunte Gray. Car le plus dérangeant, dans toute cette histoire, c’est que le fantôme de celle-ci apparaît parfois la nuit, dans le sombre tunnel de la Maison de l’Horreur, foutant une peur bleue aux employés de l’entretien, dont certains d’entre eux l’auraient vu, alors que d’autres auraient seulement ressenti, à cause de la vague de froid qui a refroidi les lieux, sa présence fantomatique. Devin n’est pas tant un jeune homme aventureux, fana de fantômes et de spectres maléfiques, mais une certaine pulsion en lui va le pousser à retarder son entrée à la fac pour travailler à plein temps à Joyland.
Stephen King, aujourd’hui âgé de 66 ans, a pas mal fait la paix avec ses démons, cette époque où la torture faisait loi (Misery), où ses personnages s’entretuaient à coups de hache (Bazaar) et où une jeune lycéenne envoyait valdinguer des étudiants aux quatre coins de l’école secondaire avec ses pouvoirs paranormaux (Carrie). Ses ardeurs se sont depuis calmées, King préférant le récit réaliste ou l’horreur soft, comme en fait foi son excellent et étoffé 22/11/63, les deux tomes du Dôme, et ce petit dernier, où vous n’aurez pas du tout la chienne de votre vie, mais plutôt l’envie d’aller jusqu’au bout, parce qu’une inhabituelle tension habite ce récit à la base simpliste. Comme avec Shining et sa suite, Docteur Sleep, le maître de l’horreur renoue avec l’élément du Don, que certains de ses personnages possèdent, mais là s’arrête la part de fantastique. Et ce sixième sens, c’est ici le personnage secondaire Mike Ross qui en bénéficie, mais n’allez pas croire qu’il a droit à des visions aussi horrifiantes que celles de Dany Torrance.
Ainsi, ne vous attendez pas à un roman d’épouvante où vous connaîtrez des moments d’angoisse et d’anxiété à bord d’un train fantôme, le parc d’attractions Joyland n’étant qu’un décor pour assoir les fondations de l’histoire, mais le mystère qui entoure le décès tragique de Linda Gray suffit pour faire naître une tension à l’intérieur de nous et donner l’envie de poursuivre la lecture du roman jusqu’au bout.
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de la rédaction