«Jésus, Cassandre et les demoiselles» par Emmanuelle Cornu: une mosaïque alambiquée d’univers d’enfance et de vies adultes – Bible urbaine

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«Jésus, Cassandre et les demoiselles» par Emmanuelle Cornu: une mosaïque alambiquée d’univers d’enfance et de vies adultes

«Jésus, Cassandre et les demoiselles» par Emmanuelle Cornu: une mosaïque alambiquée d’univers d’enfance et de vies adultes

Publié le 16 octobre 2012 par Evelyne Ferron

Emmanuelle Cornu, Montréalaise et enseignante à la maternelle depuis plus d’une décennie, nous offre un recueil de quarante nouvelles toutes liées par un thème intégrateur qu’est celui des multiples blessures de l’enfance. Ces nouvelles sont divisées en dix visions différentes, pour ne pas dire par dix types d’émotions différentes. De la cruauté à l’ingéniosité, en passant par la colère ou l’éparpillement, ce recueil de nouvelles très courtes transporte le lecteur vers diverses facettes des traces indélébiles laissées par les événements de notre enfance. Pistes de méditation…

Vous refusez l’hibernation. Vous dédaignez de partager la joie des amateurs de ski et de raquette. De geler des pieds. De conduire une voiture qui peut vous lâcher à tout moment. De prendre un autobus bondé et mal chauffé. D’être à la merci des météorologistes. De garder le sourire à l’annonce de la prochaine bordée. D’habiter un pays nordique. Vous niez les hivers passés et ceux à venir. Vous refusez la vue de votre cour.

Impression de déjà-vu, de déjà-vécu? Si ces nouvelles abordent en premier lieu l’impact de l’enfance, elles se lisent souvent à travers les adultes que nous sommes devenus. Cet extrait de la nouvelle «Votre cour a disparu» en est un bel exemple. Quelques pages pour exprimer ce que peut représenter une cour arrière pour l’adulte qui a cherché toute sa vie un certain contrôle à travers un exutoire à la fois physique et visuel. La cour arrière. Refuge et fierté pour l’adulte qui a souffert de manques de réconforts et de nids dans l’enfance.

Les nouvelles d’Emmanuelle Cornu se caractérisent dans un premier temps par leur brièveté. Que ce soit des histoires, des impressions, des émotions ou des esquisses de traits de caractère, elles ont cet avantage et parfois cet inconvénient d’être très courtes. Lorsque le sujet est dérangeant ou triste comme la première nouvelle qui s’intitule «Cassandre et la culture des prunes», le lecteur peut effectivement être soulagé de ne pas avoir à plonger en longue durée dans cet univers. Parfois la brièveté de ces nouvelles s’explique par le fait que tout peut être dit avec une certaine économie de mots, comme dans «Deux gigantesques pointes de tarte»: Elle n’a pas l’habitude de réfléchir trop longtemps, d’analyser les situations, de s’en faire pour si peu. Elle sait oublier. Elle retourne à ses occupations, organisations, planifications, satisfactions, elle prend une décision, la prochaine fois, elle fera un gâteau, la tarte était peut-être trop fruitée.

En revanche, lorsque la nouvelle aborde des points de lumière, comme dans «Broche «vitrail de papillon (rouge-grenat)», le lecteur aurait peut-être souhaité enter plus longtemps dans le récit. C’est comme ouvrir une porte à la volée, regarder à l’intérieur d’une pièce ce qui s’y trouve et s’y passe et devoir la refermer par sentiment de voyeurisme.

Toutes ces nouvelles sont rédigées dans un style similaire, soit des phrases courtes, souvent coup-de-poing, qui servent à illustrer et à faire vivre une émotion bien précise. En ce sens, ce style littéraire, qui n’est pas parfois sans rappeler Réjean Ducharme, est efficace. Mais sur quarante nouvelles, il devient parfois lourd tant pour la lecture, que pour l’état qu’il créé chez le lecteur. Si ces textes sont divisés par thème, l’ensemble est tout à fait cohérent et même si nous passons dans la vie de divers personnages, nous ne pouvons perdre de vue le fil conducteur qu’est l’impact de notre enfance sur notre personnalité.

Il s’agit, somme toute, d’un beau recueil de nouvelles, poétique malgré la lourdeur de certains propos, qui doit se lire à petites doses plutôt que d’une traite pour qu’on puisse réellement en apprécier la valeur et les subtilités.

Appréciation: ***

Crédit photo: Éditions Druide

Écrit par: Evelyne Ferron

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