«Irma Voth» de Miriam Toews: un temps dans la vie d’une jeune mennonite – Bible urbaine

Littérature

«Irma Voth» de Miriam Toews: un temps dans la vie d’une jeune mennonite

«Irma Voth» de Miriam Toews: un temps dans la vie d’une jeune mennonite

Publié le 7 novembre 2011 par Éric Dumais

L’auteure torontoise Miriam Toews récidive, après avoir obtenu le Prix du Gouverneur général en 2005 pour «Drôle de tendresse», avec un road novel fascinant, dans l’univers duquel foisonne un microcosme aussi dense qu’une fourmilière. «Irma Voth» est un chef-d’œuvre stylistiquement aventureux, porté par la voix d’une femme singulière dont le reflet renvoie à notre propre existence.

Mettre le pied dans l’univers de Miriam Toews, c’est franchir le seuil d’un monde qui nous est inconnu. C’est aussi accepter les choses telles qu’elles sont, sans trop se poser de questions…

Fuir la réalité

L’auteure nous transporte au nord du Mexique, dans une petite contrée rurale où réside Irma Voth, une jeune mennonite âgée de 19 ans. Travaillant gratuitement à la ferme de son père Julius Voth, Irma se donne corps et âme dans sa besogne afin de satisfaire aux exigences du paternel, un homme austère et tyrannique. Sans crier gare, Jorge, le mari d’Irma, décide de partir à Chihuahua chez sa vieille mère mexicaine, laissant ainsi Irma seule avec elle-même. Un beau jour, des cinéastes débarquent dans cette petite communauté dans le but de réaliser «Camp Siete», un projet cinématographique avant-gardiste. Diego Nolasco, le réalisateur, tente de convaincre Irma de devenir son interprète personnelle, étant donné qu’elle parle parfaitement l’allemand, et que son actrice, Marijke, ne parle pas un seul mot d’espagnol. Accepter cette proposition est l’occasion idéale pour Irma et sa jeune sœur Aggie de fuir le désordre d’une vie compliquée où règnent, tel un voile dans le ciel, l’autorité du paternel et les sentiments ambivalents d’un époux indigne.

«Jorge a dit qu’il ne reviendrait que quand j’aurais appris à être une meilleure épouse». – Irma Voth

C’est ainsi que commence, sans aucun autre préambule, l’épopée singulière d’Irma Voth. Le lecteur est appelé à suivre d’un œil discret mais intéressé les hauts et les bas d’une relation amoureuse qui s’effrite jour après jour, comme l’écorce d’un arbre dépérissant. Mais en réalité, ce n’est pas le combat d’une vie que Miriam Toews tente de nous exposer; c’est plutôt la fuite d’une jeune femme qui doit trouver un sens à son existence et comprendre les aléas du monde moderne.

En tant que femme mennonite, Irma Voth est le portrait craché de la jeune adulte sans défense. Aveuglément mais consciemment, Irma a essayé, au grand désarroi de ses parents, de bâtir un avenir solide avec un Mexicain en qui elle avait pleinement confiance; assez en tout cas pour se marier sur un coup de tête. Mais son destin, aussi différent soit-il du nôtre, ressemble à celui de nombreuses autres jeunes femmes. Même si Irma Voth est née dans une contrée où ses ancêtres ont fui comme la peste la modernisation, son histoire, aussi tragique soit-elle, est universelle, et c’est probablement ce qui rend ce roman aussi touchant. Irma va tenter, en fuyant l’ignorance de son peuple, de comprendre le monde et de retrouver pas à pas les fragments éparpillés de son être déchiré.

Stylistiquement parlant, la plume de Miriam Toews est d’un penchant plutôt académique. En effet, l’auteure fait de temps à autre usage de phrases longues et interminables, lesquelles semblent tout droit sorties de la bouche d’un orateur nerveux. Les dialogues, pourtant fort bien construits, sont parfois d’une redondance embêtante, ce qui donne un caractère plutô puéril à l’histoire. Mais, et c’est là l’intention première de l’auteure, une jeune mennonite comme Irma, en l’occurrence peu instruite, ne peut faire autrement qu’user d’un langage simple, épuré et répétitif. Il est bien important de garder ce dernier point en tête, car peut-être vous aidera-t-il à mieux entrer dans l’univers singulier d’Irma Voth, et de vous laisser ainsi entraîner, au gré de ses impulsions, dans les rues agitées d’Acapulco et de Mexico.

En somme, «Irma Voth» est un roman d’une grande dimension introspective, qui présente des personnages troublés, désespérés mais dotés d’une grande sagesse. Une histoire à travers laquelle plusieurs lecteurs se reconnaîtront.

Appréciation générale: ***

Crédit photo: Carol Loewen

Écrit par: Éric Dumais

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