Littérature
Née en 1975, Marie Hélène Poitras est une véritable touche-à-tout. En plus d’être journaliste au journal Voir et éditrice à la Zone d’écriture de Radio-Canada, elle a remporté le prix Anne-Hébert avec son roman Soudain le Minotaure (2002) et a été finaliste pour le Prix des libraires du Québec avec La mort de Mignonne et autres histoires (2005). Après avoir signé Rock & Rose (2009), un feuilleton destiné aux 11 à 17 ans, Marie Hélène Poitras joue à la cow-girl avec Griffintown, un western spaghetti urbain campé en pleine modernité. Entrevue avec l’auteure en direct du Far Ouest, entre le magasin général et le bureau du shérif.
D’où t’est venue l’idée d’écrire un western spaghetti urbain sur la sobre existence des cochers du Vieux-Montréal?
J’ai été moi-même cochère durant deux étés à Griffintown et les hommes et les femmes que j’y ai croisés, je les ai trouvés fascinants, pas toujours faciles à aimer, mais tout de même très attachants. Et puis c’est vrai qu’ils sont les derniers cowboys… Ce n’est pas tant de la fabulation de ma part de les avoir plantés dans un décor de western spaghetti. On s’entend: on est loin d’une job de 9 à 5 syndiquée dans un bureau climatisé avec des collègues courtois mais par moment hypocrites. Quand j’ai arrêté de conduire des calèches, j’ai compris que j’allais écrire sur les hommes et les chevaux de Griffintown, mais ça m’a pris du temps à comprendre comment raconter l’histoire de ce territoire.
Pourquoi avoir campé ton récit à l’époque révolue du Far Ouest, et ce, en pleine modernité?
Parce que tous les ingrédients y étaient déjà et que ça allait presque de soi: chevaux, poussière, dettes et comptes à rendre, volonté d’envahir un territoire, pieds-tendres, vendetta, liens avec le crime, vies passées qu’on essaie d’oublier, honneur, désir, soleil rougeoyant. Et surtout: des visages inoubliables burinés par le soleil et la dureté de la vie.
Aurais-tu aimé naître cow-girl dans un Far Ouest américain? Quel genre de femme aurait été Marie Hélène Poitras? L’extravagante tenancière d’un bar pour mal nantis ou la jolie blondinette bouclée pour laquelle les cow-boys féroces s’offrent en duel?
J’aurais été la brunette mal engueulée en chaps qui dresse les chevaux sauvages et fume des cigarettes de contrebande. Avec une longue cicatrice énigmatique dans le dos.
D’après-toi, pourrait-il y avoir une suite à Griffintown?
Oui et non. Je n’ai peut-être pas tout dit sur les chevaux… Mais si je reviens à eux, ce serait possiblement autour d’un univers de course de chevaux et de personnages de jockeys. Il y a aussi l’histoire du cavalier de haut-niveau Éric Lamaze, qui a vu son cheval Hickstead mourir d’une rupture d’aorte sous ses cuisses en novembre dernier à Vérone devant la foule ahurie, qui m’inspire… Pourquoi pas une trilogie chevaline dont Griffintown serait le premier tome, que je me dis ces temps-ci!
Es-tu déjà en train de plancher sur un prochain roman? Un recueil de nouvelles? Un livre pour enfants?
Pas de livre pour enfants, mais j’incube un (ou deux) roman (voir réponse précédente). Il m’arrive de changer complètement d’idée et, à ce chapitre, rien n’est coulé dans le béton. Je me donne tous les droits.
Ta plume, sobre et imagée, est symptomatique d’une écriture contenue, versatile et raisonnée. Y a-t-il un genre littéraire auquel tu n’adhèreras jamais?
L’autofiction.
Quel avertissement donnerais-tu aux gens qui n’ont pas encore lu Griffintown?
Je n’en donne pas. Tout est dans le livre. Je n’oblige pas les gens à lire mes écrits, je n’essaie pas de les convaincre. Ils voient si ça leur parle et, s’ils ont envie de plonger, qu’ils le fassent. Mais on peut quand même dire aux lecteurs de la Bible urbaine que ça schlingue à Griffintown, que ça sent un mélange de crottin, de sueur, de rouille, de souillures d’écurie et d’eaux croupies… Non, ça ne sent pas la rose au Far Ouest.
Pour plus d’information sur le roman Griffintown, visitez le http://www.editionsalto.com/catalogue/griffintown.
Crédit photo: Maxyme G. Delisle
Écrit par: Éric Dumais