«Faire violence» de Sylvain David – Bible urbaine

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«Faire violence» de Sylvain David

«Faire violence» de Sylvain David

Difficile pénétration dans l’univers d’un révolté

Publié le 13 novembre 2013 par David Bigonnesse

Crédit photo : editionsxyz.com

Absence de noms, de dialogues et d’une forme conventionnelle. On retrouve tous ces éléments dans Faire Violence de Sylvain David. Ce dernier a couché sur papier des moments de défoulement issus de la vie d’un «révolté». Un roman certes original sur le plan de la forme, mais qui réussit plutôt difficilement à faire entrer le lecteur dans son univers.

Les périodes de révolte font partie de la vie des gens, nul ne peut changer cette réalité. Elles sont vécues de diverses manières, avec plus ou moins d’intensité et de multiples raisons peuvent les expliquer. Le rejet du conformisme social, le refus de l’autorité de tous ordres, l’incompréhension de sa condition personnelle, etc. Il y a différentes manières d’exprimer la révolte, même si elle est souvent incarnée par l’individu ou extériorisée physiquement. Lorsque cette phase passe, il est souvent inévitable d’y revenir plus tard, d’en faire le point et de la traduire. Dans le cas de Faire violence, c’est bien sûr la littérature qui est le médium choisi.

Sylvain David, professeur agrégé à l’Université Concordia et spécialiste de Cioran, signe un premier roman marqué par ses années de jeunesse dans lesquelles il était «fasciné par la violence», selon ce qu’indique la quatrième de couverture du livre. Faire violence est donc un retour sur des évènements du passé, mais sans nommer de noms, de dates et de personnages très précis. Fracasser, enflammer, détruire, s’autodétruire… tout y passe.

D’un bout à l’autre du roman, les phrases sont courtes, parfois très courtes. Seulement qu’un seul mot ou deux. «Peur qui pousse à courir. Forme atavique de survie. Sueurs. Souffle court. Palpitations cardiaques. Effort maximal consenti. Vitesse incarnée, intégrée. Dans le noir et la végétation. Vers l’inconnu.» Ce succinctement se traduit aussi dans la longueur des péripéties, puisque celles-ci sont présentées telles des flashs. De nombreux flashs. Ce choix de cohérence stylistique donne évidemment du rythme à ce roman à la forme singulière.

En contrepartie, il s’avère plutôt ardu d’entrer dans l’univers de révolte de l’auteur, si bien que tout au long de la lecture, on a l’impression de lire de loin. D’être trop à l’extérieur des évènements ou du contexte dans lequel les actes de révolte se présentent. On ne ressent pas cet attrait pour la violence, ce qui est dommage vu la signification du texte.

Malgré tout, quelques passages forts au sujet de la révolte sociale, le désir de changer les choses pour le bien commun, éclaireront sans doute plusieurs lecteurs, notamment ceux qui ont vécu des crises sociales (pensons à la grève étudiante de 2012). En voici un exemple. «Cet effet de tribu coalise en premier lieu contre le monde extérieur. Par son action, par sa parole et son apparence, il s’agit de marquer les esprits, d’imposer l’idée d’une existence autre. Pareille attitude peut toutefois rapidement dégénérer en mépris envers une masse supposée asservie… laquelle pourra en venir à être la cible indirecte d’actions pourtant entreprises en vue de l’éveiller, de la conscientiser.»

Faire violence, deuxième titre publié dans la nouvelle collection «Quai no5» des Éditions XYZ, prouve que les choix éditoriaux de Tristan Malavoy-Racine sont cohérents, car ils s’inscrivent dans une même lignée thématique, tout en se démarquant par son exploration formelle. Des phrases courtes, des propos très actuels comme chez Fredric Gary Comeau avec Vertiges, bien que ce dernier soit différent du livre de Sylvain David.

«Faire violence» de Sylvain David, Éditions XYZ (coll. Quai no5), 2013, 140 pages, 19,95$.

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