LittératureRomans québécois
Crédit photo : Leméac
Émil, le second fils d’une famille de trois frères, est celui en qui sa mère a le plus d’espoir et de grands projets, car il est de loin le plus apte à la réussite (scolaire, sociale, professionnelle), entre Zac qui ne peut rester plus de quelques mois au même endroit et qui dépense son argent (et celui des autres) en motels et drogues de toutes sortes, et Joseph, le plus jeune, qui déjà ressemble à Zac. Mais Émil est bloqué, pris dans un quotidien qui n’avance plus, avec Alice comme pour le reste. «Alice voulait une maison et une clôture, et de l’amour avec un tablier A Kiss for the Cook! Vous comprenez? D’accord. Impossible. Pas de baiser pour le cuisiner, pas de clôture.» Après avoir écrit une lettre à sa blonde pour lui dire de l’oublier, et Émil suit Zac à Edmonton.
Dès les premières semaines, Zac trouve le temps long et dur. Les longues journées de travail physique, additionnées aux soirées où se conjuguent la coke et les échecs, en plus des querelles entre Stéphane, Dan et Rudy; Émil vit tout ça par obligation personnelle. Il se convainc sans cesse de continuer, de faire un orang-outang de lui, afin de revenir à Montréal brisé et reconstruit, plus fort et brut par le béton.
Nous lisons donc le récit d’un écrivain qui, au volant d’un Honda CR-V, parcourt les États-Unis en direction de La Nouvelle-Orléans. Rédigé à la première personne, le récit est une voix qui s’adresse à nous, hésitante, raturant et modifiant son propos sans l’effacer. Oscillant entre des atmosphères floues et des détails très précis, l’écriture de Berwald transperce dès les premières lignes.
Par ailleurs, nous avons parfois l’impression que l’auteur écrit surtout pour lui-même, laissant volontairement le lecteur à l’extérieur de plusieurs scènes – souvent rédigées en prose – où le récit, se voulant un reflet des pensées en rafales du narrateur, est plutôt décousu pour celui qui lit. On se questionne aussi sur la manière de présenter les dialogues en anglais. Comme il y en a beaucoup, une traduction de l’anglais au français aurait été lourde pour ce court texte, ce qui a assurément incité l’auteur (et l’éditeur) à laisser les phrases telles qu’elles. Néanmoins, cela rajoute aussi au sentiment d’exclusion que pourrait ressentir le lecteur qui ne comprend pas très bien l’anglais.
De plus, on est déçu par la deuxième moitié du roman, où la voix du narrateur (qui s’adressait davantage à nous au départ) a tendance à s’effacer. Guillaume Berwald n’en reste pas moins un jeune auteur à surveiller, avec une écriture bien unique, qui, comme le dit l’éditeur, est un «mélange inextricable de poussière et de poésie».
«Elle regarde d’un peu plus près, et ce qu’elle voit, la pose, les quatre avec les mêmes chandails, les quatre avec les mêmes bottes, les mêmes épaules, la même saleté sur nous, nos pantalons déchirés, et, dans nos yeux, cette même froide détermination, et puis toute la ruine aussi. Ils sont tous détruits, ces gars-là, tous mal rapaillés, Gaston. Alice, en voyant Zac et Stéphane et Seb et moi, comprend Edmonton.»
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de la rédaction