Dites-moi dans quel quartier de Montréal vous habitez, je vous dirai quoi lire! [Partie 3] – Bible urbaine

Littérature

Dites-moi dans quel quartier de Montréal vous habitez, je vous dirai quoi lire! [Partie 3]

Dites-moi dans quel quartier de Montréal vous habitez, je vous dirai quoi lire! [Partie 3]

Une virée littéraire dans Rosemont–La Petite-Patrie et Parc-Extension

Publié le 4 mars 2022 par Claire Groulx-Robert

Crédit photo : George Milton

Ma visite littéraire de Montréal se poursuit! Cette fois-ci, je vous fais explorer l'arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, et je me suis même permis un léger crochet du côté de Parc-Extension, le quartier avoisinant au nord-est. Ces coins de la métropole, bien connus pour leur riche diversité culturelle et ethnique, comportent aussi leur lot de parutions littéraires qui les mettent en scène. Découvrez, à travers les œuvres présentées ci-dessous, une portion de la ville qui longe et qui évolue au long de la populaire rue Jean-Talon.

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Excellence Poulet de Patrice Lessard (2015) — Héliotrope

J’ouvre le bal avec ce polar québécois paru en 2015 et qui traite du meurtre d’un certain Luc Touchette, assassiné dans la ruelle derrière la garderie duquel il est propriétaire au coin des rues Papineau et Saint-Zotique, au cœur de La Petite-Patrie.

Mélissa Picard, l’éducatrice qui a le malheur de trouver son patron sans vie, fait appel à Gil Papillon, un ancien agent de sécurité en quête de stimulation, qui fréquente la rôtisserie Excellence Poulet, située tout près de la garderie. Bien vite, le héros, qui est aussi le propriétaire d’un pawn shop campé près des lieux du crime, mène sa propre enquête et se retrouve mêlé à cette histoire pour le moins rocambolesque.

Le cinquième opus de Patrice Lessard, qui a entre autres écrit L’enterrement de la sardine et Cinéma Royal, offre une intrigue originale et bien ficelée qui se déroule entre une rôtisserie, une garderie et un salon de massage érotique, le Salon Spa Afrodite, situé dans le même immeuble que le centre de la petite enfance. Qui donc en voulait à ce point à Luc Touchette pour souhaiter sa mort?

Dans cette œuvre, tout est éclaté: de ses personnages, qui sont tous aussi colorés et farfelus les uns que les autres, jusqu’aux dialogues, qui sont habilement intégrés dans la narration.

En outre, tous et toutes s’expriment dans un niveau de langue très familier, à l’aide d’expressions et de sacres bien québécois, ce qui ajoute à l’atmosphère ouvrière des lieux. Pour retrouver l’esprit populaire de La Petite-Patrie et pour s’offrir une agréable lecture policière, Excellence poulet est un titre à retenir!

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La Petite Patrie de Julie Rocheleau et Normand Grégoire (2015) — La Pastèque

Voici une autre suggestion de lecture dont l’histoire se déroule dans ce quartier de Montréal. La Petite Patrie est une bande dessinée qui reprend l’œuvre de Claude Jasmin, originalement parue sous la forme d’un roman en 1972.

L’ouvrage original de l’écrivain montréalais se veut une autobiographie de sa jeunesse passée dans ce quartier populaire adjacent à Parc-Extension. Ce livre a connu un vif succès à l’époque, et il a même fait l’objet d’une première adaptation au petit écran par Jasmin lui-même et le réalisateur Florent Forget, au cours des années 1970.

Puis, en 2015, l’illustratrice Julie Rocheleau et le scénariste Normand Grégoire ont à leur tour adapté La Petite Patrie, cette fois à travers planches et phylactères! L’histoire est manœuvrée avec une fraîcheur et une légèreté qui n’est pas sans rappeler l’insouciance de l’enfance, thématique qu’on retrouve au cœur de cette bande dessinée.

On y découvre donc le quotidien d’une famille de la classe moyenne qui habite dans une Petite-Patrie des années 1940. Dépeinte à partir des yeux d’un enfant de huit ans, l’histoire porte sur la guerre et ses répercussions au Québec, la religion, qui était encore bien présente à l’époque, ainsi que les jeux de ruelle et les petites aventures quotidiennes propres au quartier ouvrier de Montréal.

Cette courte bande dessinée se démarque surtout par les splendides illustrations de Julie Rocheleau. La dessinatrice montréalaise donne vie au scénario de Normand Grégoire avec son trait vif et ses planches aux teintes de bleu et de rouge magnifiquement contrastées.

La Petite Patrie offre un véritable plongeon dans les souvenirs de Claude Jasmin. C’est un voyage dans le temps qui montre les fragments d’une enfance vécue dans une Montréal en plein essor urbain. Un pur délice!

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Voyageurs de passages — Tome 1: Tôt ou tard de Pierrette Beauchamp (2013) Éditions Hurtubise

Ce premier livre d’une série de trois de l’écrivaine Pierrette Beauchamp offre la particularité de présenter Montréal à travers le point de vue d’un personnage, mais… en deux époques en simultané! Vous avez bien lu: l’histoire de ce roman historique et sentimental se déroule à la fois en 1959 et en 2001!

Alors qu’elle s’enfuyait d’une résidence en flammes de personnes âgées où elle avait trouvé refuge, Janine Provencher y découvre un vieux tunnel qui débouche curieusement sur la maison de son père, rue d’Orléans, à la hauteur de Masson. Bien qu’elle en reconnaisse les murs, Janine se retrouve toutefois dans un décor qui lui est toutefois inconnu: elle réalise qu’elle a fait un voyage de près de 40 ans dans le futur! Elle fera rapidement la rencontre de Stéphane Gadbois, qui s’avère être l’ami d’enfance du fils qu’elle aura un peu plus tard.

La jeune fille, issue de la Grande Noirceur, découvrira alors l’évolution des mœurs et des valeurs de son époque. Elle, qui n’avait jamais connu la télévision en couleur, joué au Nintendo, ni connu la montée du féminisme ou de la désertion des églises, vivra à la fois un choc culturel et un choc des mentalités.

Elle-même née entre deux époques, Pierrette Beauchamp s’amuse à illustrer les différences sociales, culturelles et économiques entre diverses époques de Montréal, le tout sur un fond de romance et de fantastique. La trilogie Voyageurs de passages offre ainsi une lecture et une intrigue agréables, agrémentées de plusieurs voyages temporels au sein même de notre belle métropole!

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Le marabout d’Ayavi Lake (2019) — VLB éditeur

Maintenant, déplaçons-nous un tout petit peu à l’ouest du parc Jarry, vers le quartier de Parc-Extension. Le marabout est un livre d’Ayavi Lake qui a connu un vif succès lors de la parution de ce premier titre au Québec. En plus de remporter le Prix des Horizons imaginaires la même année, il a également été le sujet de nombreux articles et critiques.

Et on comprend vite pourquoi lorsqu’on lit ce petit recueil de nouvelles dont les histoires se déroulent et s’entrecroisent dans ce quartier multiethnique de Montréal.

À travers 14 courtes histoires, réunies autour de la thématique des préjugés sociaux et raciaux, Le Marabout raconte, entre autres, celle de Marianne Potvin, une bourgeoise montréalaise en quête d’exotisme et d’aventure, une sorte de femme fatale qui fait de «l’observation anthropologique dans les quartiers pauvres.» Un jour, un sikh qu’elle suivait subtilement dans Parc-Ex l’aperçoit et lui tend une carte de visite d’un marabout africain. Curieuse, elle va lui rendre une visite qui bousculera sa vie du tout au tout.

Je préfère ne pas vous en dévoiler davantage, mais ce que je peux ajouter, c’est que les différentes nouvelles et les destins des personnages s’entremêleront lorsque Marianne découvrira qu’elle s’est fait voler sa couleur de peau grâce à un sort lancé par une Attikamek en quête d’un logement abordable à Montréal.

Ce roman rocambolesque nous plonge dans un réalisme magique sur un fond de pluriculturalisme propre à ce quartier situé tout juste au nord du Plateau Mont-Royal. L’immigration, le pouvoir des apparences et les préjugés face à celles-ci sont les thèmes que l’auteure d’origine sénégalaise aborde avec humour dans son œuvre où elle se plaît à bousculer l’ordre établi dans la société.

Le marabout est un recueil qui reflète avec amour la richesse multiethnique de Parc-Extension et qui fait réfléchir sur les différentes perspectives et réalités que vivent les gens au Québec… toutes couleurs de peau et sexes confondus!

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Un roman grec de Lucie Ledoux (2010) — Les Éditions Triptyque

«Je ne sais pas où est l’hôtel, mais je connais son nom: lhôtel-Dieu. Ma mère y est souvent parce quelle doit beaucoup se reposer et reprendre des forces. Et ça va. Je veux dire, si elle doit aller là-bas pour être mieux et pour être heureuse, ça va, même si je trouve un peu blessant d’être mise à ce point à l’écart.»

Lucie Ledoux s’est fortement inspirée de son vécu pour écrire ce roman qui relate les dix-huit premières années d’une enfant née à Parc-Extension. Dans Un roman grec, on suit la tragique histoire d’une famille où la narratrice, avec ses trois sœurs, doit vivre avec les aléas d’une mère gravement malade et d’un père alcoolique. 

Dans ce court livre, l’histoire défile rapidement, allant de la naissance de la jeune Lucie à son éducation religieuse, à la mort de sa mère jusqu’à la déchéance de son père. On vient aisément à bout de la centaine de pages qui portent sur le court récit d’une enfance et d’une adolescence bousculées, mais baignées de baklavas et de culture hellénique.

En effet, la petite protagoniste de la rue Bloomfield se mêle ainsi à la communauté grecque, qui formait à l’époque la majorité de la population du quartier, avec l’innocence d’une gamine, se sentant comme si elle était l’une des leurs. Elle ne perçoit pas la différence socioculturelle entre elle et ses amis… jusqu’à ce qu’elle commence l’école, où elle prend conscience de sa position minoritaire en tant que Québécoise pure laine dans ce quartier. En parallèle, on assiste également à la transposition de ce sentiment de mise à l’écart au sein de sa propre famille, qui lui cache la maladie de sa mère, et quoi d’autre encore?

Ce récit doux-amer aborde les questions de l’identité et de l’écart entre les perceptions et la communication adultes / enfants, tout en berçant le lecteur dans la diaspora grecque de la métropole.

Curieux de connaître ma sélection d’œuvres des autres quartiers de Montréal? Je vous invite à découvrir ma partie 1, dédiée à Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, ainsi que la partie 2 où l’action se déroule sur Le Plateau-Mont-Royal. Et ne manquez pas la dernière partie de ce mini dossier qui sortira très bientôt!

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