LittératureRomans québécois
Crédit photo : www.sixbrumes.com («La Ruche», illustration de Xin Ran Liu)
1. Pouvez-vous nous résumer les grandes lignes de la petite histoire des Six Brumes, de son idéation jusqu’à aujourd’hui?
«En 2001, Marki Saint-Germain et Jonathan Reynolds se sont rencontrés au détour d’un cours de création littéraire à l’UQAM. À la fin de l’un des cours, Marki a demandé à Jonathan: «Est-ce que ça te tente de te partir une maison d’édition avec moi?» En 2002, le recueil de nouvelles L’Aurore, qui réunissait 13 auteurs dans six grands genres littéraires de l’imaginaire (nous en reparlerons), était lancé au (défunt) Petit musée de l’imaginaire, dans l’est de Montréal. Guillaume Houle, un des auteurs du collectif et ami de Jonathan Reynolds, s’est alors joint à l’équipe comme responsable de la promotion.»
«Une fois les études terminées, les membres du trio ont déménagé vers Drummondville et Sherbrooke. Le siège social de la maison d’édition a été basé à Drummondville pendant plusieurs années, avant d’être déplacé à Sherbrooke en 2013, lorsque Marki Saint-Germain a quitté l’entreprise.»
«Entre-temps, en 2010, le ministère de la Culture et des Communications du Québec a reconnu la maison d’édition en lui octroyant l’agrément des éditeurs. L’année suivante, Les Six Brumes fêtaient leur 10e anniversaire au Salon du livre de Montréal.»
«Tout au long de ce parcours, c’est plus de 40 ouvrages signés par plus de 60 auteurs qui ont vu le jour. L’élément le plus significatif toutefois, c’est que la maison d’édition a contribué à la professionnalisation et à la rétention de nombreuses auteures et de nombreux auteurs dans le milieu de la science-fiction et du fantastique québécois (SFFQ), en complément du travail qu’effectuent la maison d’édition Alire, la Maison des viscères ou encore des revues comme Brins d’éternité, Clair Obscur, Solaris et, autrefois, Nocturne.»
«Les Geneviève Blouin, Dave Côté, Luc Dagenais, Dominic Bellavance, Mathieu Fortin, Ariane Gélinas, Marie Laporte, Isabelle Lauzon, Frédéric Raymond, Jonathan Reynolds, Carl Rocheleau et autres ont grandi avec la maison d’édition, y publiant non seulement des titres, mais apportant aussi leurs écrits chez Alire, Andara, Caractère, Coups de tête, La Maison des viscères, les Éditions de Mortagne, Phoenix, Porte-Bonheur, Québec Amérique, Trampoline, Z’Ailées, pour ne nommer que celles-là. Pour Les Six Brumes, favoriser l’intégration au milieu littéraire et la durabilité des carrières d’auteur est une valeur fondamentale. Et ça continue!»
«Nous faisons aussi une place à des auteurs plus expérimentés, par exemple Frédérick Durand, Michèle Laframboise, Pierre-Luc Lafrane et Daniel Sernine, entre autres».
2. Lorsqu’on vous demande quels genres de livres sont publiés chez Six Brumes, que répondez-vous?
«Le chiffre du nom de la maison d’édition, Six, fait référence à six genres des littératures de l’imaginaire, soit:
- Fantastique
- Science-fiction
- Fantasie (fantasy)
- Horreur
- Policier
- Inconnu
Nous publions surtout du fantastique (l’intrusion de l’irréel dans le réel), mais aussi de la science-fiction (hypothèses narratives sur le futur ou, parfois, des passés alternatifs), de la fantasie (fantasy; d’autres mondes qui répondent à d’autres règles) ou de l’horreur (récits caractérisés par des scènes sanglantes, violentes ou terrifiantes, surnaturels ou non). Le genre policier est surtout combiné aux autres. Le sixième genre, «Inconnu» représente une ouverture vers d’autres formes des littératures de l’imaginaire, par exemple le conte ou le surréalisme.»
«Le terme «Brumes» dans le nom de la maison d’édition propose un mélange des genres, c’est-à-dire qu’un récit fantastique peut toucher à l’horreur, ou encore un récit de science-fiction peut comporter des éléments de policier. Bref, la maison d’édition Les Six Brumes propose une approche des littératures de l’imaginaire où tout est possible.»
3. À proprement parler, quels sont les éléments dans un récit qui font que l’on peut qualifier un roman comme étant de la littérature de l’imaginaire?
«Un récit qui touche aux littératures de l’imaginaire combine des éléments du réel avec des éléments irréels ou, à tout le moins, qui ne sont pas possibles dans la réalité telle que nous la connaissons. Par exemple: l’intrusion d’une créature issue de la mythologie dans notre quotidien du XXIe siècle, ou encore un monde qui répond à des règles partiellement différentes. Un traumatisme important, véhicule dans le cadre d’un récit d’horreur ou de policier, peut aussi correspondre à cette description, puisque brisant la fabrique sociale de manière significative.»
4. Quel type de lecteurs (sexe, âge, habitudes de vie) sont susceptibles de s’intéresser davantage à vos publications?
«Contrairement à la croyance populaire, nos lecteurs sont en fait surtout des lectrices. Les collections Frissons et Chair de poule, lancées dans les années 90, ainsi que la série de fantasie (fantasy) Harry Potter ont pavé la voie à un lectorat davantage féminin que masculin. Nos lectrices ont généralement entre 15 et 50 ans et dévorent tant les succès québécois (les livres de Patrick Senécal, la série Amos Daragon, les livres des Éditions de Mortagne) qu’internationaux. Certaines tentent de transmettre leur passion à leurs enfants.»
«Nous nous adressons aussi à des lectrices et lecteurs qui recherchent, avant tout, une exploration des littératures de l’imaginaire, notamment à travers des personnages nuancés, complexes. Dans plusieurs de nos ouvrages, nous cherchons à dépasser la simple dichotomie entre le bien et le mal. Les lecteurs des Éditions Alire, la Maison des viscères ou de maisons d’édition françaises (Bragelonne, Fleuve Noir, Mnémos et cie) peuvent se reconnaître aux Six Brumes.»
«Enfin, notre lectorat le plus fidèle, c’est celui qui se reconnaît dans la science-fiction et le fantastique québécois (SFFQ), qui tourne notamment autour du Congrès Boréal (rendez-vous annuel, cette année du 5 au 7 mai à Québec), des Éditions Alire, de la Maison des viscères, des revues Brins d’éternité, Clair-Obscur et Solaris.»
5. Combien d’auteurs ont-ils été publiés jusqu’à présent chez Les Six Brumes et y a-t-il un style commun entre ces différentes personnes?
«Plus d’une soixantaine d’auteures et auteurs ont été publiés soit en solo, soit en collectif. Ce qui rassemble environ la moitié d’entre elles et d’entre eux, par contre, c’est le milieu de science-fiction et du fantastique québécois (SFFQ). C’est ce désir de redonner aux Québécoises et aux Québécois la littérature qui était la leur, du 17e au 19e siècle, mais qui a été partiellement oubliée au 20e, avant de ressurgir en force au début des années 70, autour de la revue Requiem (Solaris).»
«La qualité de ces auteures et auteurs, c’est leur pérennité. Année après année, ils publient, aux Six Brumes ou à de nombreux autres endroits, et brodent, en français, une trame des littératures de l’imaginaire qui rivalise avec celles des autres nations. À titre personnel, je pense que nous formons des marathoniens de l’imaginaire.»
6. Quelles sont les principales difficultés à tenir les rênes d’une maison d’édition québécoise en 2017?
«Le numérique n’a pas rempli ses promesses. Ainsi, même si nous continuons d’y investir, nous le faisons lentement, avec prudence. Même les fonds publics (SODEC) destinés à l’aide à la numérisation sont en pause, jusqu’à l’automne 2017. En numérique, nous vendons surtout en Europe. Ce marché représente une fraction de nos ventes, moins de 10 %. Mais il coûte quand même du temps et de l’argent…»
«Sinon, le réseau de distribution et de vente du livre papier est lui-même en mutation. Les joueurs changent rapidement ou se regroupent, les façons de travailler changent. C’est parfois difficile de suivre ou de s’adapter. Par conséquent, les ventes directes, notamment via les préventes en ligne (sociofinancement), les lancements ou les salons du livre, augmentent.»
7. La maison d’édition Les Six Brumes est présentement en campagne de sociofinancement. Pouvez-vous nous expliquer à quoi vont principalement servir les contributions de vos lecteurs?
«Contrairement à la croyance populaire, le sociofinancement est un concept qui date d’au moins deux siècles. Au 19e siècle, des éditeurs canadiens-français désargentés demandaient à leurs lecteurs de payer d’avance les livres à produire. Ils s’assuraient ainsi de pouvoir financer l’impression et de tirer le nombre exact d’exemplaires désirés.»
«Pour Les Six Brumes, recourir au système de prévente (sociofinancement) dès 2011 a été une manière de renouer avec la rentabilité. Bref, d’arrêter d’emprunter pour payer les auteurs, les contractuels, l’imprimeur, etc. Depuis 2013, c’est devenu une tradition d’offrir l’ensemble du catalogue annuel aux lectrices et aux lecteurs. Voici d’ailleurs le lien pour l’édition 2017!»
Les publications de 2017 sont:
Le collectif «Écrire et publier au Québec – Les littératures de l’imaginaire»
«Un guide pratique d’Isabelle Lauzon, de Geneviève Blouin et de Carl Rocheleau réunissant les témoignages de 40 professionnels du milieu, incluant Dominic Bellavance, Guy Bergeron, Geneviève Blouin, Pierre-Alexandre Bonin, Anne-Marie Bouthillier, Caroline-Isabelle Caron, Mariane Cayer, Sébastien Chartrand, Pierre H. Charron, Dave Côté, Héloïse Côté, Philippe-Aubert Côté, Luc Dagenais, Frédérick Durand, Mathieu Fortin, René Gagnon, Marc Gaudreault, Éric Gauthier, Ariane Gélinas, Michel Gingras, Guillaume Houle, Carmélie Jacob, Claude Janelle, Patrick Kemner, Chantal Labelle, Caroline Lacroix, Pierre-Luc Lafrance, Marie Laporte, Valérie Larouche, Isabelle Lauzon, Émilie Léger, Josée Lepire, Guillaume Marchand, Julie Martel, Martin Mercure, Yves Meynard, Eve Patenaude, Francine Pelletier, Frédéric Raymond, Jonathan Reynolds, Carl Rocheleau, Laurine Spehner, Sybiline, Gabrielle Syreeni, Caroline Vézina, Martine Vignola, Guillaume Voisine, Elisabeth Vonarburg et René Walling.»
Le recueil de nouvelles «Horrificorama»
«Un recueil de nouvelles dirigé par Pierre-Alexandre Bonin présentant 15 sous-genres de l’horreur et comprenant des textes de Geneviève Blouin, Pierre-Alexandre Bonin, Anne-Marie Bouthillier, Philippe-Aubert Côté, Luc Dagenais / Vanessa Venus, Frédérick Durand, Ariane Gélinas, Élise Henripin, Pierre-Luc Lafrance, Isabelle Lauzon, Pascale Raud, Frédéric Raymond, Jonathan Reynolds, Carl Rocheleau et Vic Verdier.»
«La Ruche» de Michèle Laframboise
«Un roman de science-fiction érotique de Michèle Laframboise, version longue de la nouvelle «Le vol de l’abeille», récipiendaire du prix Solaris 2006. Une émule de Marilyn Monroe nous entraîne au cœur de La Ruche, là où la sensualité épouse le mystère.»
«Vivre» de Jeanne Lessard
«Un roman par fragments de Jeanne Lessard, gagnante du concours Sors de ta bulle! 2016. Chaque année, un programme de lectures, de rencontres d’auteur et d’écriture permet à des jeunes des écoles secondaires de la Commission scolaire Région de Sherbrooke et de l’école secondaire La Ruche de Magog de développer leurs compétences littéraires. Un jury sélectionne trois manuscrits parmi ceux déposés, et la gagnante ou le gagnant du premier prix est publié aux éditions Les Six Brumes. Cette année, le manuscrit gagnant est un roman réaliste.»
«Tant par les années passées qu’en 2017, la prévente, c’est justement la possibilité de mettre la main d’un seul coup, en quelques clics de souris et de manipulation de clavier, sur tous les livres qui peuvent nous intéresser. Pour certaines et pour certains, c’est aussi l’occasion de mettre la main sur d’autres publications (hors Six Brumes) des auteures et auteurs publiés, ou encore de s’abonner ou de se réabonner à des revues comme Brins d’éternité.»
«Au-delà de tout ça, la prévente, c’est aussi une fête des littératures de l’imaginaire. Chaque année, nous nous creusons la tête pour présenter le tout de manière aussi intrigante que ludique. Nous ajoutons donc au livre une expérience de communication stimulante, dans le cadre d’un marathon de 45 jours. Il s’agit d’ailleurs d’atteindre et de dépasser certains objectifs. Par exemple, ceux de cette année sont 2 000 $, 3 500 $, 5 000$, 6 500 $, 8 000 $ et 10 000 $. Chaque fois qu’un objectif est atteint ou dépassé, les participantes et participants de la prévente récoltent des bonus additionnels: des images dans certains livres, un livre mystère gratuit, plus d’argent pour acheter des livres hors Six Brumes, etc.»
8. À quel moment de l’année vos fans peuvent-ils vous rencontrer ou du moins échanger avec vos auteurs? Êtes-vous invités dans tous les salons du livre du Québec?
«Le Congrès Boréal, qui se déroule du 5 au 7 mai cette année à Québec, est le meilleur endroit pour nous rencontrer. Pour nous, cet événement constitue le carrefour de la science-fiction et du fantastique québécois (SFFQ).»
«Sinon, les Salons du livre de Trois-Rivières (mars) et de l’Estrie (Sherbrooke; octobre) constituent les deux moments-clés de l’année pour nous rencontrer. Nous avons aussi recommencé à participer à celui de Montréal, et nous envisageons de faire d’autres salons au Québec, par exemple celui du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de Rimouski, de l’Outaouais, de Québec, de la Côte-Nord et de l’Abitibi-Témiscamingue. Mais rien n’est assuré de ce côté pour le moment.»
«Le Congrès Boréal, fréquenté par de nombreux professionnels, demeure un incontournable».
9. Avez-vous des projets extra qui s’en viennent pour vous en 2017 que vous souhaiteriez nous partager?
«La prévente annuelle est le moment de l’année où nos énergies convergent. Toutes nos publications y sont présentées. Par contre, c’est à l’automne que la plupart des publications sont imprimées et envoyées.»
10. À quel endroit nos lecteurs peuvent-ils se rendre pour découvrir vos nouveautés littéraires et surtout s’inscrire à votre infolettre et quelle est sa fréquence d’envoi?
«La prévente, qui réunit nos nouveautés de 2017, se déroule ici».
«Pour s’inscrire à l’infolettre et recevoir de nos nouvelles, il suffit de se rendre au www.sixbrumes.com. Une fenêtre contextuelle apparaîtra pour vous inviter à vous inscrire au bout de quelques secondes.»
«Quelques semaines avant la prévente et durant celle-ci, d’avril à juin, l’infolettre est envoyée le premier jour ouvrable de chaque semaine, souvent le lundi. Par la suite, la fréquence d’envoi redevient mensuelle.»