LittératurePolars et romans policiers
Crédit photo : Super 8 Editions
«La sécurité est une illusion. Nous sommes tous délibérément aveugles face aux menaces qui nous entourent. Aucun endroit n’est sûr. Personne n’est en sécurité…»
Peut-être, justement, qu’Hell.com avait mis la barre haute sur ce mystérieux sujet qu’est le dark web, «celui qui fait plusieurs centaines de fois la taille de l’Internet surfacique, où les informations ne sont pas indexées, et ne peuvent donc pas être recherchées, mais sont légales, pour la plupart, issues de bases de données universitaires, gouvernementales et militaires. Le Dark Net est comme le soubassement du Web profond. Commande de drogue, trafic d’armes, contrebande d’être humains, communications entre terroristes, communications entre espions, délits d’initiés, vol de propriété intellectuelle, snuff movies, death porn et pornographie infantile […] C’est le quartier chaud, c’est la chambre des tortures, c’est l’enfer numérique». Peut-être, aussi, que l’on s’attendait à plus de réalisme de la part de Percy, qui livre ici un roman fantastico-gothique où les ténèbres servent à représenter l’infection qu’est la technologie de l’information de nos jours.
Ainsi, l’histoire, qui nous permet de faire la connaissance d’Hannah, une aveugle qui recouvre la vue grâce à l’Oculus, de Lela, une journaliste aguerrie et avide de sensations pour l’Oregonian dont la curiosité lui coûtera cher, de Mike Juniper, un ex-évangéliste qui a mené bien des gens vers le droit chemin, et de bien d’autres encore, se met tranquillement en place, comme un casse-tête qui prend forme au rythme de son créateur. Sauf que ce sont surtout les intermèdes de l’auteur, rythmés par des réflexions et des données tangibles – comme celle-ci qui porte sérieusement à la réflexion et à son terrible constat: «Un individu moyen regarde son téléphone quatre-vingt-cinq fois par jour. Étant donné que l’on passe probablement la moitié d’une journée à dormir, cela revient à un total de huit fois par heure. Et on ne parle là que des téléphones. À quelle fréquence un visage se tourne-t-il vers une télévision, une tablette, un ordinateur portable, un écran?» –, qui retiennent davantage notre attention, éclipsant la fiction qui peine à réellement nous accrocher.
De fait, le dark net n’est ici que la représentation d’un mal beaucoup plus puissant: l’information en continu. Celle qui défile dans notre fil d’actualité sur Facebook; celle que l’on peut lire à la seconde sur Twitter; celle qui s’immisce de partout, partout.
«Les gens sont désormais suspendus au fil de l’information», peut-on y lire, et plus loin, au fil des pages, Benjamin Percy renchérie, en la comparant même à «un virus. Une infection. [Elle] pénètre dans nos appareils […]. Et nos appareils, c’est nous». Et c’est de cette façon que les personnages de l’histoire deviennent littéralement possédés par le mal.
Bien sûr, tout n’est qu’une question de goûts et de points de vue, mais je retiens de ma lecture, certes pénible dans l’ensemble, que Dark Net est une parfaite représentation de l’intrusion malsaine de l’information qui s’immisce dans tous les interstices lumineux que sont devenus les écrans de nos appareils dans notre quotidien.
Et même si j’ai trouvé cette fiction d’un ennui mortel, il n’en demeure pas moins que l’auteur avait une belle intention au départ.
L'avis
de la rédaction