LittératureDans la peau de
Crédit photo : Annie France Noël
Vanessa, on est super heureux de te retrouver dans le cadre d’une toute nouvelle entrevue… sur un tout autre sujet! Tu te rappelles, on avait discuté longuement en février 2021 à propos de l’Anthologie de la poésie actuelle des femmes du Québec, 2000-2020, un ouvrage que tu as co-écris avec Catherine Cormier-Larose et qui a été publié aux Éditions du remue-ménage. L’eau a coulé sous les ponts, depuis! Alors, quoi de neuf sous le soleil?
«Ouf! Tellement de choses! D’abord, merci de me recevoir de nouveau, c’est un grand plaisir de vous retrouver et de retrouver vos lecteurs et lectrices.»
«Si on passe vite les deux dernières années, je dirais qu’il y a eu beaucoup d’action, dont des bourses qui me permettent d’écrire deux livres simultanément, des résidences un peu partout au pays et en Europe, des tournées de livres (Canada, France, Norvège, Belgique, Maroc), la parution de mon troisième livre, MONUMENTS, pour lequel j’ai dû me rendre à quelques reprises à Terre-Neuve et au Labrador, une exposition performative en collaboration avec l’extraordinaire céramiste Mélina Schoenborn, plusieurs festivals littéraires et, surtout, beaucoup de randonnées, de baignades, de lectures, de rires partagés avec ma famille, mes ami·e·s, mais aussi mes lecteurs et lectrices, de plus en plus nombreux, à ma grande surprise!»
Pour celles et ceux qui l’ignoraient, tu as toujours été une femme versatile qui aime se complaire dans plusieurs disciplines à la fois. Poétesse, autrice et chroniqueuse ne sont que quelques-uns des chapeaux que tu portes, disons-le, avec élégance. Si on rembobine ta vie, saurais-tu te rappeler à quel moment la poésie, et l’écriture également, ont fait leur entrée par la grande porte?
«Merci, c’est gênant. Si on rembobine, on retourne à mon premier amour qui a toujours été la radio. Petite, je n’écrivais pas sur papier. J’enregistrais plutôt mes pensées, mes humeurs, des pièces de théâtre et des confessions, sur des cassettes.»
«J’ai toujours aimé la voix comme instrument. Après des études en musique classique, puis en arts visuels, et finalement en littérature, j’ai retrouvé ma voix par l’entremise de chroniques culturelles à CHYZ, la radio de l’Université Laval. C’est par ma voix que je suis entrée en poésie; en parlant de celle des autres, en la lisant en ondes, et plus tard en la livrant sur scène. Et cette joie de la littérature qui se dit, se confie, se gueule, je la retrouve également désormais dans mon rôle de directrice de la collection poésie aux Éditions du Quartz.»
«Faire de la littérature seule, ça ne m’intéresse pas; je doute même que ce soit possible. Encore moins lorsqu’il s’agit de poésie.»
L’an dernier, tu as fait paraître le recueil de poésie Monuments (août 2022, Éditions du Noroît), à travers lequel tu as fait voyager ton lecteur sur l’île de Terre-Neuve. Plus récemment, les Éditions de l’Homme dévoilaient ton plus récent livre lequel est magnifiquement illustré d’ailleurs, Fendre les eaux: apprivoiser la baignade nordique, où tu fais le récit d’une de tes activités de prédilection: la baignade! Elle t’est venue d’où cette passion pour les bains de mer en eaux froides, et qu’est-ce qui t’a donné l’élan d’écrire un livre à ce sujet?
«C’est étrange comme les livres qu’on écrit nous révèlent à nous-mêmes. Depuis mon premier recueil, De rivières, l’eau est un thème central de mon œuvre. Quand on regarde les photos sur mon téléphone, la moitié, ce sont des photos de lacs, de rivières, de mer, de ruisseau, de pluie (beaucoup de vidéos de pluie), et les autres de mon fils!»
«La baignade en eaux froides est apparue dans ma vie à un très jeune âge. Quand je vois de l’eau, c’est plus fort que moi, je veux y entrer. Avec mon amie Cyane et nos enfants, nous avons fait le pari, en mars 2020, de nous baigner dehors toute une année. La première année est passée sans même que nous nous en apercevions, et nous avons partagé tant d’aventures immenses ensemble à pratiquer la baignade en eaux froides que c’est simplement devenu une manière de vivre. Vivre plus fort, plus intensément, plus consciemment, ensemble, et avec la nature.»
«Quand Les Éditions de l’Homme m’ont approchée pour me proposer d’écrire ce livre, c’était une évidence pour moi d’accepter. De toute manière, je l’écrivais dans ma tête depuis un bon moment déjà!»
Dans cet ouvrage, tu l’avoues d’emblée, tu n’as pas la prétention de te poser comme experte, et ce, même si «ce livre s’appuie sur des données scientifiques et des expériences éprouvées, partagées, discutées […]». Pour toi, «la baignade en eaux froides a ceci d’extraordinaire: elle galvanise, elle euphorise, aussi bien qu’elle calme et éloigne tout ce qui est futile». Parle-nous donc brièvement de ses bienfaits, et des thématiques qui sont traitées à travers ce beau livre.
«Moi aussi je le trouve beau, ce livre, qui oscille entre conseils techniques, faits scientifiques, récits d’aventures et une centaine de photos prises au fil des cinq dernières années de baignade!»
«Il parle essentiellement des aspects techniques relatifs à la baignade nordique (matériel, lieux, sécurité, etc.), mais je l’ai vraiment pensé comme un journal de bord avec des entrées plus littéraires qui illustrent la manière dont les conseils peuvent être mis en action à travers les bons coups et les moins bons.»
«C’est un livre de passation où j’ai tenté au mieux de nuancer les discours sensationnalistes autour de la baignade en eaux froides comme les cures miracles de raffermissement de la peau ou la perte de poids. J’ai plutôt choisi de parler de ma relation à mon corps, de ce que la baignade hivernale m’a appris sur ma force physique, mentale et émotionnelle, sur la spiritualité, sur ma relation au territoire aussi.»
«Samedi dernier, Ève-Marie Lortie de Salut Bonjour a terminé notre entrevue en disant de ce livre que c’est “un livre d’amitié” et ça m’a infiniment émue. Je pense que c’est ça, Fendre les eaux: un livre d’amour, d’amitié, bref, un livre qui veut faire communauté.»
On sent qu’on va susciter la curiosité avec ce livre! Pour celles et ceux qui seraient tenté ∙e ∙s de vivre l’expérience à leur tour, accepterais-tu de nous offrir un petit cours 101 sur les bases d’une préparation béton? L’idée, ça serait de connaître quelques bons spots, ce qu’il faut porter pour une baignade en eaux froides sécuritaires, la durée, bien évidemment, et les étapes à suivre une fois le corps hors de l’eau. Tu veux bien nous aiguiller, un peu? Allez, on se dit à très bientôt!
«Oh, il faudra lire le livre pour ça! Comme un vieux loup de mer, je ne dévoile pas mes endroits de baignade. Et je trouve ça super intéressant de dire “non” même si je voudrais vous faire plaisir. Je m’explique.»
«La baignade en eaux froides ne devrait jamais être pratiquée par défi ou pour faire une bonne publication sur les réseaux sociaux. Il s’agit vraiment d’une rencontre avec les gens qui nous accompagnent, avec soi et avec le territoire. Si ça vous dit de vous y mettre, je vous conseille d’aller vers une personne qui pratique déjà ce sport pour vous initier.»
«Je dirai tout de même ceci: il n’y a pas de temps minimal à une expérience réussie. L’ensemble des étapes – du départ de la maison jusqu’au retour – est l’expérience. Le reste se fait par essais et erreurs, et puis il y a mon livre et d’autres encore pour venir soutenir vos découvertes.»
«Soyez brièvement extraordinaires!»