«Dans la peau de...» Vanessa Bell et Catherine Cormier-Larose – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Vanessa Bell et Catherine Cormier-Larose

«Dans la peau de…» Vanessa Bell et Catherine Cormier-Larose

Représenter la richesse de la poésie québécoise au féminin

Publié le 5 février 2021 par Éric Dumais

Crédit photo : Chloé Charbonnier / Les Éditions du remue-ménage

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Cette semaine, nous avons interviewé Vanessa Bell et Catherine Cormier-Larose, co-autrices de l’Anthologie de la poésie actuelle des femmes au Québec, 2000-2020, à paraître le 9 mars aux Éditions du remue-ménage.

Vanessa, Catherine, vous semblez toutes les deux être de vraies mordues de poésie! D’où vous est venue la piqûre pour ce genre littéraire et, plus spécifiquement, pour les œuvres des poétesses québécoises?

V. «Pour ma part, ça a été assez fulgurant. J’ai étudié en musique, puis en arts visuels avant de revenir à mes premières amours littéraires. J’ai toujours énormément lu et j’avais un penchant prononcé pour le genre au secondaire, mais le vertige de la poésie est apparu plus clairement à mes premières années de chroniqueuse littéraire à l’émission Chéri-e, j’arrive! à CHYZ 94,3.»

«À force de lire et lire, j’ai vite découvert que j’avais un penchant prononcé pour la poésie des femmes, qu’elles soient Québécoises ou non. Pour moi, la poésie, c’est la chose la plus punk et intelligente qu’on puisse faire en littérature (sauf peut-être pour le genre de l’essai qui, maîtrisé, est un incendie formidable). La poésie qui me touche le plus est celle qui est pensée formellement avec un souffle émotif qui transcende le livre, celle qui, sur scène, se révèle aussi forte qu’à l’écrit.»

On est curieux de savoir: dans quel contexte et à quel moment de votre parcoursavez-vous eu la chance de vous rencontrer?

V. «Je ne suis même plus certaine! (rires) Assurément, j’ai rencontré Catherine par l’entremise d’Erika Soucy. Je pense que c’était lors de ma première lecture au Off-Festival de poésie de Trois-Rivières. Habituellement, une rencontre avec Catherine, c’est marquant. Mais, ce soir-là, je lisais pour la toute première fois un texte en public. Erika m’avait convaincue que ce que j’écrivais était de la poésie et je me souviens pas mal juste de mes genoux qui voulaient lâcher, de mes mains qui ont tremblé du début à la fin de cette lecture – qui m’a pourtant fait comprendre que, pour être heureuse, j’ai besoin d’une scène. J’étais donc à mes tout débuts d’autrice. Catherine, elle, avait déjà une carrière bien établie!»

C. «Tous les gens qu’on connaît dans le milieu de la poésie, on les a rencontrés comme ça, à nos premiers genoux qui lâchent et nos feuilles qui tremblent tellement qu’on doit improviser une partie du texte (rires). De l’extérieur, on a parfois l’air de tous.tes se connaître, mais c’est parce qu’on assiste au plus grand nombre d’événements de poésie qu’on peut. C’est notre passion, mais c’est aussi notre communauté et notre prise sur le monde.»

Ce 9 mars, vous allez faire paraître votre Anthologie de la poésie actuelle des femmes au Québec, 2000-2020 aux Éditions du remue-ménage. Pouvez-vous nous parler de ce livre dont vous avez assuré la codirection?

V. «J’en ai eu l’idée il y a quatre ans déjà. Je lisais de plus en plus de poésie québécoise, mais je me sentais démunie quand je souhaitais lire des femmes. Où étaient-elles? Dans quelles maisons trouver leurs écrits? Et qui avait écrit avant elles pour qu’elles puissent écrire aussi rageusement, librement, amoureusement?»

«J’ai proposé le projet aux Éditions du remue-ménage qui m’ont dit: Ah! Tu veux faire une suite à l’anthologie de Nicole Brossard et Lisette Girouard! Très franchement, je n’avais jamais entendu parler de ce livre. Ce fut une révélation. Quand j’ai commencé à m’atteler à la très difficile et crève-cœur rédaction de la liste des noms qui figureraient dans cette anthologie, j’ai tout de suite su que je devais appeler Catherine. Elle était déjà directrice du Festival Dans ta tête et organisait nombre de lectures depuis plusieurs années. Si j’avais besoin de son expertise pour couvrir la première décennie des années 2000, j’avais surtout besoin de m’associer à quelqu’unqui était au fait des activités de l’ensemble des scènes montréalaises.» 

«Pour que l’anthologie soit la plus juste et pertinente possible, il me fallait débattre avec une personne qui a un regard complètement différent du mien sur la poésie actuelle, qui allait me confronter, me faire douter. Bref, j’avais besoin de quelqu’une qui allait enrichir ma lecture du corpus des œuvres publiées dans les 20 dernières années par les femmes poètes au Québec. Cette personne, c’était inévitablement Catherine. On ne peut faire plus opposé en goûts littéraires que les nôtres!»

 

C. «Moi, j’ai grandi littérairement et poétiquement avec l’anthologie de Nicole et de Lisette (parue pour la première fois en 1991 et relancée en 2003, toujours au Remue-ménage). Quand Vanessa m’a parlé du projet, je n’ai pas réfléchi une minute et j’ai hurlé: OUI!” On a cinq ans de différence en âge, Vanessa et moi; mais dix ans de distance de fréquentation des scènes littéraires, ça nous assure de couvrir les scènes poétiques de ces 20 dernières années de deux générations différentes! Ça, et le fait que Vanessa est à Québec et moi à Montréal, pis aussi, qu’on n’aime vraiment pas les mêmes affaires (rires)

A priori, cette anthologie «propose de découvrir et de célébrer dans une approche intersectionnelle et intergénérationnelle le travail colossal des femmes marquantes d’un milieu en pleine effervescence.» En quoi consiste une telle démarche, au juste, et en fonction de quels critères avez-vous réuni les œuvres des 55 femmes poètes qui apparaissent dans cet ouvrage?

V. «Dresser la liste finale des personnes qui y figurent a sans doute été la partie la plus périlleuse de cette aventure. Nous avons d’abord relu l’entièreté des œuvres de plus de 300 poètes québécoises publiées dans les 20 dernières années. Afin de descendre cette liste au nombre que l’on connaît aujourd’hui, nous avons travaillé avec des critères de représentativité. Nous avons questionné chacune des œuvres en cherchant à déterminer de quelle manière la poésie s’y actualise en regard de son époque, de ses mouvances formelles, de son contexte historique.» 

«Représenter la richesse de la poésie québécoise (francophone, innue, crie, anglophone, arabe, espagnole, etc.), à travers ses identités multiples et les territoires où elle se dissémine, était une évidence pour nous. Nous avons aussi voulu représenter l’abondance des parutions depuis 2010 et le dialogue qui existe entre les femmes de différents âges. Les aspects intersectionnel, intergénérationnel et la représentation des langues et territoires où s’écrit la poésie actuelle au Québec sont le cœur de notre projet. C’est pour cette raison, d’ailleurs, que nous avons tenu à écrire des biographies commentées pour chacune des femmes qui figurent dans l’anthologie.»

C. «On a aussi choisi quatre poétesses montréalaises anglophones, dont deux traduites pour la première fois en français. On s’est aussi intéressées à ce que ça peut vouloir dire, être une femme en 2021, et on a tenté d’être les plus inclusives possibles, de travailler l’espace pour qu’il soit ouvert et qu’il donne envie à d’autres anthologies de naître; qu’il mette plus de poésie entre les mains du lectorat, sans pour autant répéter le fabuleux travail fait par l’anthologie de Brossard-Girouard

À plus ou moins long terme, avez-vous d’autres projets communs en lien avec la poésie et, si oui, quels sont-ils?

V. «Je couve un projet encore secret qui verra le jour au printemps prochain et qui m’amènera assurément à collaborer de nouveau avec Catherine. D’ici là, je codirige, avec Juliette Bernatchez, le Mois de la poésie qui sera diffusé entièrement virtuellement cette année: 54 performances accessibles gratuitement du 1er au 31 mars.»

«Et puis, comme on dit, les passionné.e.s se retrouvent toujours. J’ai confiance que la poésie et notre passion commune pour les arts littéraires feront en sorte que nos chemins Québec-Montréal seront plus souvent qu’autrement entrecroisés et non parallèles.»

C. «Je viens d’être nommée codirectrice générale et directrice artistique du Festival de la poésie de Montréal; essaimer la poésie, c’est ce qui nous tient en vie et nous donne encore envie de changer le monde

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions du remue-ménage.

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