LittératureDans la peau de
Crédit photo : Julie Artacho
Tristan, tu es le concepteur d’une soixantaine d’albums de bandes dessinées comme Gargouille ou Les Minimaniacs. D’où t’est venue la piqûre pour la littérature et, plus spécifiquement, pour le neuvième art?
«En fait, j’oscille entre les essais et les BD, ce qui me permet de diversifier ma production. Je suis un passionné de BDs, mais j’avais déjà le sens du marketing dès mon plus jeune âge: j’aimais à la fois les dessins aériens de Sempé et le marketing agressif de Disney!»
«C’est pourquoi j’ai créé ma BD Gargouille en 1983, à l’âge de 10 ans, et que j’ai pu démarrer mon entreprise, écouler des milliers d’albums, flirter avec le marché belge et français et superviser mon studio de création, dès l’adolescence. Aujourd’hui encore, je me considère d’abord comme un communicateur de la BD, tant mes activités d’animateur et de conférencier prennent de l’espace dans mon agenda. J’aime le monde, faire des rencontres et passer de ma table à dessins aux salons du livre de la francophonie!»
Tu animes également des émissions jeunesse à la télévision de Radio-Canada et sur Yoopa. Définitivement, tu sembles avoir gardé ton cœur d’enfant! Qu’est-ce qui te plaît particulièrement dans cet aspect de ton métier?
«J’aime savoir que je donne humblement le goût aux enfants de créer et de retourner aux bricolages, voire à leurs crayons de cire, malgré le monde parsemé d’écrans dans lequel ils vivent. Stimuler l’imaginaire est gratifiant, puisque je considère qu’être créatif est un outil qui nous sert pour la vie.»
«L’imagination est le pouvoir de transformer les éléments du quotidien parce qu’on les perçoit autrement, ce qui facilite ensuite les prises de décisions au travail ou ailleurs puisqu’on voit plus facilement les options qui se présentent à nous, peu importe l’âge qu’on a.»
Ce 11 novembre, tu as fait paraître une édition revue et augmentée de Tintin au Québec: Hergé au cœur de la Révolution tranquille, parue en 2010. Plus de 150 photos, images et dessins retracent à la manière d’un journal de bord l’épopée d’Hergé, le célèbre créateur de Tintin, dans la Belle Province. Qu’est-ce qui t’a donné envie d’aborder ce sujet, et, par la suite de sortir une version enrichie de ton livre?
«Le succès du livre, paru il y a 10 ans, a été instantané. On a aimé Tintin, on s’est collectivement identifiés à Astérix, ces deux BDs ont donné le goût de la lecture à des milliers de Québécois et je trouvais intéressant de comprendre et d’expliquer les fondements de cette popularité.»
«Dans la nouvelle édition revue et augmentée, j’aborde la publicité (les céréales Tintin dans les années 1960, par exemple), l’impact qu’a eu le héros d’Hergé sur des personnalités importantes du Québec moderne, comme Lucien Bouchard ou Michel Tremblay, etc. Visiblement, je n’avais pas fait le tour de la question en 2010!»
En quoi a consisté ton travail de recherche, d’analyse et d’assemblage en vue de produire cet essai revisité? D’ailleurs, dis-nous-en donc plus sur ton studio de création et l’équipe qui travaille avec toi, ainsi que sur ta collaboration avec les Éditions Moulinsart et Hurtubise!
«Moulinsart a collaboré à cette coédition avec la rigueur nécessaire, puisque nos amis belges protègent jalousement l’héritage graphique et culturel du grand Hergé. C’était donc un privilège de travailler la maquette graphique avec eux. Je me suis amusé à leur faire découvrir des images ou des publicités illustrées de Tintin à la sauce québécoise, que je trouvais ici et là, dans les archives de différents médias ou dans les greniers des collectionneurs.»
«Tintin a eu une vie parallèle au Québec, approuvée par le clergé et accompagnée de publicités non approuvées par Hergé à l’époque, puisque nous travaillions en vase clos, de l’autre côté de l’océan. Disons que j’ai pu mettre la main sur des artéfacts surprenants, comme ce scénario original de l’Office national du film du Canada qui proposait une aventure de Tintin tournée à L’expo 67, avec un Tournesol kidnappé dans un sous-marin caché dans le Lac des dauphins de La Ronde!»
Sortons un peu du contexte actuel! Si tu avais carte blanche et que tout était possible, quel.le illustrateur.trice ou personnage de bandes dessinées que tu admires depuis que tu es tout petit aimerais-tu inviter à ta table pour un bon souper, et de quoi parleriez-vous ensemble? Fais-toi plaisir!
«Plusieurs sont décédés, mais puisqu’il s’agit de fantasmes, on pourrait les ressusciter, le temps d’un repas? Je pense à Quino (Mafalda), disparu récemment, ou alors Franquin (Gaston) Schulz, (Peanuts) Hergé, bien entendu, mais aussi Miroslav Sasek, l’illustrateur tchécoslovaque d’une série d’albums pour enfants parus dans les années 1950-1960. Je suis aussi un grand fan de Mary Blair, qui était illustratrice et directrice artistique chez Disney, et de Pop Art en général (Keith Haring, Jean-Michel Basquiat, etc.)»