LittératureDans la peau de
Crédit photo : France Sévigny
Samuel, quand as-tu eu la piqûre pour l’écriture et quel a été ton parcours jusqu’à la parution de ton premier livre Recrue en 2013?
«J’écris et je lis sans arrêt depuis toujours, mais j’ai réalisé que j’appréciais vraiment inventer des histoires quand j’avais environ 15 ans. J’avais besoin de sortir de ma propre tête, et créer des personnages me permettait d’être quelqu’un d’autre. Depuis ce temps-là, j’écris avec plus d’assiduité.»
«Avant Recrue, j’avais écrit quelques trucs, des nouvelles, sans plus. Après avoir changé de projet de mémoire alors qu’il ne me restait qu’un an, j’ai écrit Recrue en quelques semaines seulement. Il est en fait la partie création de mon mémoire.»
«Dès la remise de mon projet de maîtrise, j’ai remanié un peu mon texte et, deux semaines plus tard, l’ai envoyé à la maison d’édition. Quelques jours seulement plus tard, le projet était accepté! Je suis arrivé au bon endroit au bon moment!»
Comment ton histoire t’a mené à te spécialiser dans la littérature jeunesse LGBT?
«Je ne sais pas si mon histoire m’a amené à me spécialiser en littérature LGB ou si c’est la littérature LGB qui a créé mon histoire… C’est en écrivant un texte dans le cadre d’un cours que mes collègues ont remarqué le sous-texte homosexuel qu’il y avait. J’ai redirigé mes recherches vers le LGBT après cela.»
«J’ai découvert la communauté LGB, et surtout la communauté T, qui m’a aidé à mettre le doigt sur qui j’étais. En ce sens, je pourrais dire que les livres m’ont réellement sauvé la vie!»
«Par la suite, c’est la découverte du trou béant et des lacunes de notre littérature au Québec qui m’ont poussé à toujours vouloir créer des histoires dans lesquelles étaient présentés des personnages LGBT. Depuis 2013, il y en a de plus en plus sur nos tablettes, à mon grand bonheur!»
Tu sembles être également un étudiant passionné, puisque tu as déjà obtenu une maîtrise portant sur la thématique homosexuelle dans les romans pour adolescents publiés au Québec et un doctorat sur la thématique du placard en littérature. Comment t’es-tu épanoui à travers la recherche universitaire?
«J’ai pris conscience de tous les manquements qu’il y avait, autant sur le plan de la création littéraire que de la recherche scientifique. En étudiant la littérature LGB, je me suis rendu compte de la petitesse de notre corpus au Québec et, en voulant donner plus de poids à mes recherches, je me suis aussi rendu compte du manque d’appui scientifique en littérature LGB (pour ne pas dire le désert scientifique…)»
«Tout ça m’a donné envie de poursuivre mes recherches au doctorat, de m’impliquer davantage dans les projets d’autres chercheurs et d’écrire encore plus de romans dans lesquels sont présentés des personnages gais ou bisexuels forts.»
Ton plus récent ouvrage, Antonin, est sorti aux Éditions de Mortagne au mois de janvier dernier. Il fait suite à Adam et James, tous deux parus en 2018. Parle-nous du concept de ces livres et de tes motivations à travers ce projet?
«La motivation reste toujours la même, depuis le tout début: donner une voix à des expériences. Fini le temps où le modèle de l’adolescent LGB n’avait pas de couleur et n’était défini que par son orientation sexuelle.»
«Bien sûr, il s’agit d’une grande part de l’histoire (après tout, ce sont des adolescents et, durant l’adolescence, on construit notre identité), mais Adam, James et Antonin sont bien plus que des adolescents gais ou bis. Ils sont des grands frères, des petits frères, des sportifs, des artistes… Ils ont leurs goûts particuliers, leurs envies.»
«Le but de tous mes récits est de montrer la diversité à l’intérieur même de la diversité, pour que le plus de gens possible puisse s’y reconnaître. La collection Kaléidoscope, je l’espère, servira à ça: donner à voir nombre d’expériences colorées!»
Si tu avais la liberté de t’entretenir avec la personnalité de ton choix qui a représenté (ou représente encore) le mouvement LGBT ainsi que leurs droits, qui aimerais-tu rencontrer et pourquoi?
«Ce serait James Baldwin. Il a dit une des choses qui m’a le plus marqué. Je cite cette phrase sans arrêt: “You write in order to change the world, knowing perfectly well that you probably can’t, but also knowing that literature is indispensable to the world… The world changes according to the way people see it, and if you alter, even but a millimeter the way people look at reality, then you can change it.” »
«Il était Noir et gay et il a toujours eu, à mon sens, une manière de parler des minorités avec sensibilité et empathie, ce qui manque grandement aux discours militants de ces dernières années.»
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*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions de Mortagne.
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Par Éditions de Mortagne