LittératureDans la peau de
Crédit photo : Adèle Foglia
1. Lily, tu es la plume derrière le blogue littéraire Ma Querelle. Peux-tu nous raconter brièvement comment tu as fondé le site en 2014?
«Brièvement, ça donne: je suis en stage en enseignement de la littérature québécoise au cégep de Joliette, je reviens d’avoir été chef pâtissière dans un resto fancé à Tofino, faque j’ai pu d’appartement à Montréal. Je sous-loue le 3½ d’une amie qui est nounou des candidats d’Occupation double en Espagne. Une autre amie, directrice marketing d’une agence de voyages, m’invite dans le sud toutes dépenses payées.»
«Je prends des photos qui vont l’aider pour son site Internet. Dans la piscine de l’hôtel 5 étoiles, un peu pompettes les deux, elle me parle qu’elle aime ce que j’écris et elle me dit: «Tu devrais te partir un blogue, tu ferais la piasse.» Elle a toujours été plus business que moi. Depuis ce retour de voyage, j’ai donc un blogue, mais j’attends toujours la piasse. Je suis patiente.»
«À l’époque, j’avais quelques textes qui existaient déjà et c’est ça que je publiais au début, mais la plupart des textes, je les portais en moi depuis longtemps, et ça a l’air que j’avais besoin du blogue pour les cracher.»
2. Comment est-ce que Ma Querelle t’a mené à l’écriture de ton premier roman, «Sauf que j’ai rien dit», l’an dernier?
«OK. Premièrement, je pensais que Ma Querelle, c’était juste une histoire de sentiments. Deuxièmement, je suis tellement bien entourée, ça a juste pas de sens. Maintenant que ça c’est dit, j’explique.»
«Un samedi après-midi de 2014, j’ai invité avec énormément de fébrilité mon amie Nathalie Séguin dans la cuisine de l’amie-nounou (Christine Blais, salut!) pour qu’elle lise mes textes. On a pogné de quoi.»
«Ma Querelle, c’est aussi celle de tout le monde (pas tout le monde sua terre, j’sais ben, j’pas épaisse). C’est une histoire de langue, de quotidien, d’espoir.»
«Nathalie m’a convaincue d’organiser des soirées de lecture de textes du blogue. Des soirées Ma Querelle. L’idée m’est restée en tête même si ça s’est pas fait tout de suite. J’ai déménagé dans le sous-sol chez mes parents et je me suis trouvé une job dans un resto (salut Le Printanier, St-Hyacinthe!) J’avais une casquette, un net dans les cheveux, deux bacs en poche et toutes mes soirées de libres.»
«J’ai commencé à travailler là-dessus avec toutes les belles personnes généreuses qui ont voulu embarquer dans le projet, des fois, sans même me connaître. J’ai travaillé avec des actrices, acteurs, illustrateurs, illustratrices, peintres, musiciens, musiciennes, photographes, humoristes, designers graphiques (sûrement que j’oublie les professions de ces personnes qui sont devenues mes amies), incroyables. On a fait des lectures, pis avec cet argent-là, on a produit un beau recueil avec Mathieu Lacombe, qui portait le titre de Contes de laptop (que deux-cents personnes chanceuses ont en leur possession).»
«Je me suis arrangée pour que François Avard le lise parce que j’aime son travail. Il m’a invitée à prendre un café pour en jaser, il était sympathique dans sa manière d’être un criss. Il m’a dit que c’était bon et qu’il avait beaucoup apprécié sa lecture, même si la plupart des sujets l’intéressaient pas, ce qui veut dire beaucoup pour quelqu’un qui écrit. Il m’a dit qu’il fallait que j’arrête de niaiser pis qu’il jugeait que j’étais prête à écrire un roman. En gros, c’est ça. Ça m’a joué dans la tête et, un an plus tard, j’avais mon idée.»
3. Tes billets de blogue ont un ton très personnel et «Sauf que j’ai rien dit» a souvent été qualifié de roman d’autofiction. Est-ce qu’il y a quelque chose de thérapeutique ou de cathartique, pour toi, dans ce style d’écriture?
«Oui, on pourrait dire que l’écriture est thérapeutique pour moi. Je suis une bonne éponge pour tout ce qui m’entoure, et l’écriture m’aide à canaliser beaucoup d’émotions que j’arrive mal à vivre ou à m’expliquer. Le moins qu’on puisse dire, c’est que passer trois jours sur un paragraphe pour qu’il se dise bien à voix haute, c’est ben certain que ça m’aide à épuiser un sujet et à passer à autre chose.»
«Ma cousine Anne-Marie m’a déjà dit: «Si tu peignais, les gens s’en foutraient de savoir si tu as déjà vu ce que tu peins.» Ça m’avait aidée à pas trop m’en faire quand, au début de Ma Querelle, beaucoup de personnes insistaient pour savoir la portion de vécu dans mes textes, ou prenaient simplement pour acquis que c’était un récit de mon intimité. Maintenant, ça ne me dérange pas que les gens pensent que c’est ma vie et, limite, je trouve ça flatteur, parce que ça veut dire que j’ai réussi à cerner l’enjeu et que je suis direct dans le petit mou vulnérable.»
«Juste dire que j’ai pas vécu tout ce que j’écris, sinon j’aurais eu quatre-vingts vies à date, pis la vérité, c’est que c’est juste ma trente-deuxième.»
4. Comment est-ce que la parution de ton premier roman, il y a déjà un an, a bousculé (ou pas!) ta vie?
«Dans les premiers mois, ça a pas changé grand-chose, sauf que certaines personnes savaient maintenant ce que je faisais en dehors de mes heures de job steady. Pis là, un moment, je me suis mise à recevoir plein de compliments, c’était vraiment hot de réaliser que beaucoup de personnes de différents milieux reconnaissaient mon travail et comprenaient mes intentions. Ça m’a donné beaucoup de confiance en moi.»
«Ce qui fait qu’aujourd’hui, un peu plus d’un an plus tard, je m’identifie maintenant de plus en plus comme une auteure, je dédis la majeure partie de ma vie à la littérature, et je commence à accorder une certaine valeur à mes projets. Juste ça, c’est ÉNORME. Ça reste terrorisant parce que j’avance à tâtons vers je-sais-pas où, mais j’ai du fun la plupart du temps.»
5. En tant que jeune auteure, qu’est-ce que tu souhaiterais accomplir dans le futur, qu’il soit proche ou lointain?
«Dans l’immédiat et dans un futur proche, je fais des chroniques littéraires Lily lit sur les ondes de CHYZ, et je vais en faire à CISM. J’écris la suite de «Sauf que j’ai rien dit». Je m’en vais en France en juillet participer à des ateliers d’écriture. J’ai plein de trucs sur la glace qui se concrétisent petit à petit. J’aime rouler ma bosse tranquillou, en ayant toujours le choix.»
«Dans un futur «rêvé» disons, j’aimerais ça être consultante sur des projets en même temps que de développer les miens. J’aimerais ça que le monde se dise que Lily Pinsonneault est super bonne pour écrire du vrai. Écrire pour le théâtre, pour la télé, name it! On verra! Je me souhaite de toujours avoir le choix, que mon écriture et mes projets fassent évoluer les mentalités et réconfortent ceux et celles qui ont besoin de l’être.»